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Lan Yu
7 janvier 2023

Seul

Je me sens démuni. Angoissé. Seul. Comme d'habitude. Exaltation. Appréhension. Tristesse.

Joie de pouvoir travailler. Avec qui partager cette joie ?

Ce n’est pas grave ! J'ai l'habitude. D'être seul. Je l'ai toujours été !

Quel est mon destin ? Ma finalité ? Mon devenir ?

Mon être ?

Je suis un peu perdu. Dur d'entrer dans la vie active ! De devenir un adulte ! Se retrouver dans une ville inconnue !

Berlin.

Ville ornée de mille feux. Néons, lumières. Avenues illuminées.

Vides.

La nuit scintille de mille feux. Les néons s'allument les uns après les autres. Berlin ville lumière. Ville nocturne. Berlin s'éveille à la vie. A la nuit.

Les jardins sont éclairés. Même la nuit. C'est plus fort que moi. Je me sens aimanté par ces lieux. Maudits. Je sais pas pourquoi.

Plein de pensées se bousculent dans ma tête.

Je me promène dans les allées. Obscures. Je m'offre à la nuit. Tout entier. J'aime cette clarté artificielle que les néons apportent. J'aime cette opposition entre la modernité du nouveau Berlin et l'antiquité de l'ancien. J aime les comparer car ils racontent une histoire. Je leur trouve un sens. J'ai l'impression que les deux villes s'adressent à moi. Elles m'enseignent le sens de l'histoire. Elles me parlent. Intimité.

C'est comme ça que j'apprends. Rentré à la maison, j'effectuerai une recherche plus approfondie. J'aime ces endroits, ces fontaines, ces lieux, ces jardins.

Ça m'amène à réfléchir sur ce qui fait que les hommes sont appelés à faire de grandes choses. Ou les pires horreurs.

Sur ce qui pousse certains à conduire l'humanité pour le meilleur ou pour le pire. J'essaye de comprendre. L'impensable.

Nuit qui s'achève.

Je repère les statues que je vois. Je prends le temps de les approcher, de les regarder, de les toucher, de leur parler. Je m'imprègne de leur mystère et de leur minéralité. Comme si elles allaient disparaître. D'une seconde à l'autre. Je veux comprendre le message qu'elles m'envoient. Je m'approche d'elles. Au plus près. Elles me fascinent. Je les interroge. Elles ont chacune une histoire à raconter. Je leur parle sur le ton de la confidence. J'ai une relation intime avec chacune d'elles.

Elles sont le miroir de ma pensée. De ma personnalité. Pierres éternelles, marbres inaltérables.

Impuissantes pourtant à changer le cours de l'histoire. Les hommes sont incapables de comprendre. Elles laissent l'être humain face à lui-même. Face à ses démons. Confronté à son dilemme. A sa relation avec le temps.

Elles portent la trace du temps qui passe. Inexorable. Légende des siècles.

Elles sont le témoin du passé. De ce qui est arrivé. De ce qui peut se reproduire. Ça ne s'arrête jamais. L'histoire est un perpétuel recommencement.

L'Allemagne. Son histoire. L'incendie du Reichstag. La montée du nazisme. L'ascension d’Hitler. Question lancinante. Comment a-t-on pu en arriver là ??

Ça m'amène à réfléchir à l'inanité des régimes politiques. A la condition humaine. Totalitarisme, déviance et démocratie. Et vice-versa. Comment arrive-t-on de l'un à l'autre ?

Les deux blocs. Est et Ouest. Allemagne réunifiée. Jamais pays n'aura porté un tel poids dans l'histoire des hommes et des nations.

C'est peut-être pour ça que ce pays me fascine autant.

Il s'est relevé. Comment il a fait ?

Mur de Berlin. Mur de la honte. Ce qui est curieux, c'est qu'aujourd'hui l'Allemagne draine l'Europe. Comment ils font ? Une fois de plus ?

Tous ces graffitis en ville. Ils sont partout. Ou alors je ne vais pas dans les endroits où il faut.

Je suis bizarre.

Je traverse avenues et boulevards à la recherche de l'inconnu. De l'insolite. Du mystère. De l'aventure. En quête de moi-même. Ou des autres. De quelque chose que j'ignore encore. Une part insoupçonnée de moi-même.

Nuit berlinoise.

La nuit se propage. Elle rampe sur les toits et enveloppe tout.

Les voitures filent sur les boulevards et les avenues. Elles ne s'arrêtent jamais. Elles convergent vers le centre ville. Vers les quartiers lumineux. Les quartiers chauds de la Capitale. Vertigineux.

S'amuser, rire, chanter, vivre, profiter, s'éclater, jouir. Rencontrer des gens. C'est ça la vie.

Animation. Les bandes des cités convergent vers le centre ville. De tout. Des touristes. Des hommes. Des femmes. Des jeunes. Des moins jeunes. Des groupes. Des solitaires comme moi.

Des fêtards. Tous ceux qui veulent s'amuser. Vivre la nuit. Ils ont besoin de se défouler après une semaine gorgée d'humiliations. De transports en commun. De folie. De fatigue et d'épuisement. Frustrations et refoulements en tous genres.

Les cafés sont bondés. Débits de boissons et profusion. Sodas, alcools, cocktails s'en donnent à cœur joie.

La ville se réveille fébrile. C'est l'aube. Elle sort du coma.

Hallucinant.

J'observe les cafés, dehors. Les serveurs font des kilomètres dans la soirée. Ils vont et viennent d'une table à l'autre. Ils ne s'arrêtent jamais.

Ils servent les uns et les autres. Les gens s'impatientent. Les esprits s'échauffent.

Ça se calme à 2 heures du matin. A cette heure-ci, les lumières tamisent. Ça baisse d'un cran. Les orchestres jouent moins fort. Ils adaptent les répertoires. Ils balancent les ballades et les slows. Musiques lentes. Langoureuses. Ils s'adaptent malgré la fatigue des musiciens qui se voit sur leurs visages. Sueur. Épuisement. Envie de rentrer chez soi.

J'adore ces ambiances de la nuit.

Quand j'entends un bon groupe depuis la rue, je m'arrête pour écouter. Ce sont les beaux jours de l'été. Les pubs élargissent leurs terrasses sur l'avenue. Il faut attirer du monde. J'adore regarder les musiciens jouer quand je suis sur le boulevard. Mais je n’ai pas envie d'entrer à chaque fois et payer la consommation. Je n'en ai pas les moyens. Y en a qui font ça. Qui s'arrêtent à chaque fois.

J'entre et je m installe. Jusqu'à présent, ce que je vois et ce que j'entends, c'est super.

Quelque soit le style.

Je continue ma route pour prolonger ma transhumance nocturne.

Berlin et ses lumières. Elles donnent ce côté inquiétant, insaisissable à la ville.

Tout est possible à Berlin.

L'autre Moi.

Le ténébreux. L'obscur. Mes deux Moi se livrent un combat sans merci depuis l'enfance. Deux mondes qui s'entrechoquent. Et ne se pardonnent pas. Choc des Titans. Les deux Moi s'épient et se violent en permanence. Impitoyables. Harcèlement. Lutte fratricide. Les masques tombent. Enfin. Les étrangetés de l'être humain réapparaissent toujours. Et se dévoilent au moment où il ne faut pas.

Tout le champ des possibles apparaît. Désinhibitions multiples.

L'aube. Les néons s'éteignent l'un après l'autre. J'aime profiter de ce moment.

Quartiers chauds. Rouge. Jaune. Vert. Néons fluorescents. Incandescences en permanence. A chaque pas de porte. Les lumières flashent. Elles crépitent. Sex shops. Tamisées ou blafardes. Agressives ou alléchantes. Cinés porno. Peep-shows. Petits théâtres spécialisés dans les fantasmes en tous genres. Multiplexes du porno. Industrie du sexe. Pour tous les désirs sous jacents. En perpétuelle latence. Il y en a pour tous les goûts et toutes les couleurs mon pote. Pratiques universelles dans leur sécularité.

Mumm ...

Lumières photographiques ou pornographiques. Ou les deux. Artifices de la nuit.

Je marche dans celle-ci. Dans le clair de lune. Je vois et j'entends mes pas qui raclent le bitume.

Ma nuit. Celle que j'ai choisie. Celle que je veux maintenant. Tout de suite. A tout prix.

Je n’arrive pas trop à analyser ce qui me pousse.

Je ne sais pas ce que je vais faire. Mais je le pressens. Si je le verbalisais ce serait oblitérer l'envie. Le désir. La montée en puissance de la libido. Le cerveau du bas. Sauf que celui-ci n'a pas de cerveau.

Je déambule dans la nuit, les mains dans mes poches. En automate inconscient conditionné par le sexe. J'enfonce plus profond encore les mains dans mes poches. J'ai peur. J'appréhende. J'ai besoin de me rassurer. Inquiétude. L'adrénaline fait monter le sel de la terre. Ça fait partie du scénario. Même si je n'aime pas ça du tout.

Tristes pensées, errements de l'esprit, tourments de l'existence.

Toujours ce putain de cerveau qui reste en ébullition. Je me sens démuni. Désœuvré. Perdu. Désappointé. Comme toujours.

Je me remets à déambuler dans les rues. De façon irréversible.

Nouveau chapitre. Fin de nuit. Lever du jour. Je perçois à nouveau le bruit des voix. Des conversations. Ça commence à déraper dans les débits de boisson. Sang chaud. Trop chaud peut-être. Trop d'alcool. Ça gueule de plus en plus. Je vais devenir vulgaire. Ne tente pas le diable, mon pote.

J'ai besoin de ma nuit,

C'est vital.

Pour moi.

Je me dirige vers les quartiers chauds. D'un pas décidé. Je suis mû par mon sixième sens. Je suis téléguidé. Programmé. Je sais là où je dois aller. C'est là que je dois aller. Je sais où me portent mes pas.

Où aller rencontrer des mecs comme moi. Des garçons comme moi. Différents. Comme eux j'ai le regard absent.

Des homosexuels. Comme moi.

Là, je pense au sexe.

C'est ça qui compte pour moi maintenant.

Je suis à l'affût. Prédateur ou victime de désillusions ? Je ne le saurai jamais. Je ne veux pas l'savoir.

Une chose compte : j'ai besoin d'un mec. J'en ai envie. J'ai besoin de sexe. J'ai besoin de ce corps à corps incestueux. Interdit. Physique. Bestial. J'ai besoin de sentir son odeur. De m'en imprégner. D'humer sa transpiration. De me sentir en phase de violation. De tout mon être. Je le veux. J'en ai besoin. Ça ira mieux après. Pas le choix. C'est nécessaire à mon équilibre. Pour mon horloge interne. Il faut en passer par là.

Je n’ai jamais su comment me débarrasser de cette merde. De ça. De ces pulsions frénétiques. C'est naturel. Je sais. Il paraît. Je n’ai jamais su. J'ai toujours eu du mal à accepter ça. C'est plus simple de s'accepter comme on est. Je sais.

Ces putains de pulsions bousillent ma vie. Tout serait si simple sans. Stop ! Pensées négatives.

Reprends le dessus. Le cours des choses. De la vie.

Jusqu'à présent j'allais assouvir mes besoins dans les cabines des sex-shops. Mais là, c'est devenu plus fort. C'est autre chose. Le reste ne me suffit plus.

Pour la première fois de ma vie, j'ai décidé de sauter le pas. Je savais que tôt ou tard, il me faudrait le faire. Et aujourd'hui, j'ai décidé. C'est le grand jour. De la grande perdition. Jardins publics. Je sais maintenant pourquoi ça m'attire. Lieux de perdition. D'obscurité. D'obscurantisme.

Les conventions m'emmerdent. Elles m'ont toujours fait chier. Les autres n'ont pas à me dire ce que je dois faire. Les hommes veulent tout régenter. Pourquoi ? Moi je ne suis pas d'accord.

Force majeure. Force normale. Ma normalité. Quelles que soient les circonstances. Ou les conséquences.

Je marche. Je déambule dans la nuit. Dans les rues sombres. Je retarde le moment d'y aller. Putain de montée d'adrénaline. Le moment d'oser. Je me demande si ce n’est pas c'qui m'excite le plus.

Petit vent frais sur le visage. Ça fait du bien. Ça régénère. Ça permet d'oublier les mauvaises pensées. Ça permet de reculer l'échéance. De l'éjaculation. Morale et intellectuelle.

Les pâtés de maisons se succèdent. Je me retrouve dans la rue X. Elle est interminable. Comme par hasard c'est la plus longue. Avec ses sex-shops en enfilade. Comme pour présenter les armes. Ou les bites. Pas de répit pour le sexe. Il est là omniprésent. Omniscient.

Il faut vivre. Tout le monde a besoin de vivre. Chacun à sa façon. Quelle est la meilleure façon ?

Commerce du cul. Commerce bizarre.

Berlin. Ville ouverte. Universelle. Toutes les populations se mixent. Carrefour de l'Orient et de l'Occident. Russes. Europe de l'Est. Occident. Tout le monde descend à Berlin.

Tout se négocie. Les plus démunis vont s'offrir aux plus riches. Libre service.

Carrefour. Croisement des sexes et des désirs. Levée des boucliers et des interdits.

Ici tout est possible.

Libre accès aux fantasmes multiples. Tout est offert sur un plateau d'argent. Surfers d'argent ou translucides comme le sperme. Homos, trans, hétéros, sado, androgynes, bi, travestis, latex, cuir, bondage, fétichisme. Tout. Offre diversifiée et constante. À toute heure du jour et de la nuit. Tout est ouvert. Inquiétant aussi. Tout l'aspect obscur de l'âme humaine y est représenté.

Les prostitués des deux sexes font commerce. Ils exercent jour et nuit. Sans relâche. La continuité de service est assurée. Chacun attend le client. Ils sont à portée de main. Vu la concurrence cette nuit, la pipe ne doit pas coûter très cher. Je m'en veux de posséder déjà un œil expert. Sur cette marchandise humaine. Qui s'offre à moi. Il suffit d'annoncer la couleur et de dire ce que tu veux. Il faut négocier avant. C'est mieux. Après tout, c'est un commerce comme un autre. Rien de plus. Ici, tout se règle en espèces. En euro.

J'entre. Sex-shop au hasard. Celui qui se présente au premier coin de rue. Je n’ai pas envie d'être vu. D'être remarqué. Déjà je ne fais plus attention. Je ne contrôle plus. J'ai l'impression que tout le monde me regarde. Cette boutique a l'air plus discrète qu'une autre.

J'entre.

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