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Lan Yu
7 janvier 2023

Kun 12

Ce jour-là je regarde Kun s'éloigner. Je suis traversé par des émotions contradictoires. Je réfléchis. Je suis heureux de pouvoir exprimer ce que je ressens pour lui. Plus soulagé encore que lui ressente la même chose pour moi. Mais malgré ce bonheur j'éprouve des inquiétudes tout au fond de moi. Et des doutes sur ma personnalité. Je suis gay. C'est peut-être un problème.

Je ne sais pas pourquoi j'éprouve autant de difficultés à accepter cette étiquette. À l’époque, ce que j'avais vécu me faisait croire que c’était mal d’être gay. Je savais bien qu’être gay ce ne serait pas facile tous les jours. Je pensais que c'était normal pour les autres garçons de tabasser les gosses homosexuels qu'ils trouvaient sur leur chemin. Je croyais que c'était la norme. La règle. Je comprenais pas pourquoi. C'est peut-être parce que moi-même j'avais peur d'attraper une raclée. Du plus loin que je me souvienne je me suis jamais poser la question de savoir si j'étais gay ou pas. Je suis attiré par les garçons. Pas par les filles. Un point c'est tout ! Pour autant je ne m'identifie pas en tant que gay. Pas dans l'imagerie. Je suis juste moi. Le même que la veille. La semaine précédente. Ou l'année d'avant. J'ai pas changé. Ou plutôt si. Aujourd'hui il y a une différence. Je suis une cible potentielle. Ce n'est pas une nouveauté pour moi parce que depuis la maternelle sans savoir pourquoi dès le premier jour j'avais été pris pour cible. Ça a commencé très tôt. Maintenant j'ai l'impression de porter une cible collée sur le front.

...

Je rentre à la maison. À pied. J'habite à un kilomètre et demi du collège. La maison de Kun elle, se trouve à quinze kilomètres. Un peu plus loin. Tout en marchant une pensée me vient à l'esprit.

" Mon Dieu si moi je suis devenu une cible alors Kun lui-aussi "

Je ne suis pas sûr que Kun ait été confronté à ce type de situation. Je me perds dans mes pensées. Dans mes élucubrations pour essayer de voir comment on peut vivre avec ça. Je suis concentré à fond sur la façon dont moi Bao je pourrais protéger Kun de Li et de sa bande. Comment je pourrais faire. Je me suis même pas posé la question de savoir si j'en avais les capacités. Ou si ce serait au-dessus de mes forces. Sans m'en rendre compte je dépasse ma rue.

Je fais demi-tour pour reprendre la bonne direction. En me retournant je manque de percuter un de mes voisins. Liang. Ça signifie Lumineux en Occidental. C'est un garçon aux longs cheveux et aux grands yeux noirs. Liang vient de démarrer sa croissance. Il ressemble à un pantin désarticulé. Ses bras et ses jambes donnent l'impression d'aller dans tous les sens. Liang se trouve dans la même classe de sport que moi. Plusieurs fois j'ai eu l'occasion de le voir pratiquer là course à pied. Sur la piste du stade quand Liang courre il bloque les coudes et il balance ses grands bras. Ça lui donne un air comique.

- Tu es perdu ?

Je vois un sourire moqueur se dessiner sur le visage de Liang le Lumineux.

J'ai l'impression qu'il a deviné mes pensées.

- Non Liang. Je suis venu voir si tu étais d'accord pour faire une partie de foot avec moi. Mais je viens de me rappeler que tu es maladroit ! Alors j'ai changé d'avis !

Je souris en disant ça. Comme ça il voit que je plaisante. Liang le Lumineux est susceptible. Il prend toujours mal tout ce qu'on lui dit. D'où que ça vienne. Moi aussi je suis pareil. Mais j'arrive à le cacher. J'essaye de me protéger comme je peux !

- Ok Bao ! Je passe te voir quand j’aurai fini mes devoirs. J’ai un nouveau truc à te montrer ! Tu veux que je demande à Kang de venir aussi ? (Kang pour les Occidentaux ça veut dire vigoureux !). C'est ok pour moi. Je dis à Liang qu'on se retrouve dans une heure. Moi Bao j'ai connu Liang à la maternelle. On a fréquenté des écoles différentes jusqu’au primaire. On peut dire que nous avons grandi ensemble.

Ses parents sont chrétiens. Très croyants. Très Chine traditionnelle même si ça n'est pas toujours bien ressenti par la population. Cette dernière est plutôt Confucius et vraiment bouddhiste. Plus tard Kun m'a expliqué ce qu'était le bouddhisme.

...

- Bao ! Le bouddhisme c'est un des trois grands courants philosophiques qui ont balayé la Chine !

- ?

- Il y a pas que ça ! C'est une des trois plus grandes religions du monde !

- C'est quoi les deux autres ?

- Le christianisme et l'islam. Chez les Chinois le bouddhisme adopte le sens de la morale, de la hiérarchie et de la piété filiale que l'on retrouve dans le Confucianisme !

Le bouddhisme explique l'origine de la vie !

Il enseigne l'amour. Il préconise la tolérance. Il accorde une grande place à la méditation. Il a pour but de délivrer les êtres de la souffrance. Il veut les faire parvenir au statut de bouddha.

- C'est quoi le statut de bouddha ?

- C'est le dépassement des sentiments humains pour parvenir à un stade où la souffrance n'existe plus !

Bao ! Sois pas effrayé !

Le bouddhisme insiste sur le fait que la vie humaine est éphémère.

Pour lui le cycle de la vie passe par un nombre infini de réincarnations. Elles ne s'arrêtent jamais car la perfection est très longue à atteindre. C'est l'état de Bouddha.

Le principe de la réincarnation c'est le principe de la cause à effet !

La vie humaine est le résultat de la vie précédente. Cette dernière peut avoir été celle d'un animal. D'une plante ou d'un être humain. Elle résulte elle-même d'une autre vie antérieure. Elle est décisive pour celle qui suit.

- Kun ! Je comprends pas !

- Tout évènement de l'univers et chaque action de notre vie s'expliquent par des causes et des effets !

La vie précédente forme les causes de la vie présente.

Les actions de la vie présente constituent des précédents pour la vie suivante. C'est pour ça que la réincarnation nous permet de nous améliorer à chaque fois.

Bao ! Écoute !

" Un jeune garçon et une jeune fille s'aiment depuis longtemps. Ils sont heureux. Ils sont prêts à se marier.

Quelques jours avant le mariage la fille quitte le garçon sans raison particulière. Pour partir vivre avec quelqu'un d'autre.

Le jeune garçon ne comprend pas.

Il sombre dans la dépression.

Il va dans un temple bouddhiste pour avoir des explications.

Le maître du temple lui montre la scène suivante :

" Sur une plage est allongé le corps d'une jeune fille. Un premier homme passe et la voit. Il reste un moment à côté d'elle. Puis il part.

Un deuxième homme passe. Il ôte sa chemise pour couvrir le corps de la jeune fille. Puis il part aussi.

Le troisième homme qui passe reste. Avec douceur il prend le corps de la jeune défunte et l'enterre avec soin.

Le maître du temple explique :

" La fille en question est la fiancée qui t'a abandonné aujourd'hui. Dans sa vie précédente tu étais le deuxième homme.

Si elle t'a quitté c'est parce qu'elle a rencontré la troisième personne qui a pris soin d'elle.

Sans le savoir elle lui doit la vie.

Et elle est née pour lui. Non pour toi "

Bao !

Le jeune homme comprend soudainement la cause du départ de la fille. Il accepte ce départ sans remords ni rancune. Il retourne dans sa ville pour y vivre désormais une vie sereine et sans rancune !

......

Bao !

Le bouddhisme chinois apprend la moralité dans la société et dans la famille ! La méditation sur la vie et sur son origine.

La reconnaissance pour ce que l'on possède dans la vie.

Tu sais pourquoi nous les Chinois on montre souvent un bouddha rigolard avec un gros ventre ?

- Non ...

- Parce qu’il se rapproche davantage de l'être humain du quotidien plutôt que d'un saint austère !

Et chez nous il y a aussi un bouddha féminin ...

Le bouddha masculin s'appelle Milefo. Le bouddha féminin s'appelle Guanyin.

Bao ! Milefo et Guanyin portent l'espoir de la vie !

Milefo avec son gros ventre qui est signe d'abondance et Guanyin sur qui repose l'espoir d'un couple qui attend un enfant et à qui les femmes chinoises peuvent se confier !

Bao !

C'est sans équivalent dans d'autres religions qui sont plus macho !

...

Pour en revenir à Liang " le Lumineux " celui-ci est un garçon que j'aime bien. Même s'il ne m'attire pas.

Kang par contre c'est un autre gabarit. Je l'appelle " le Vigoureux ". Kang " le Vigoureux " a treize ans. La puberté l'a frappé de façon précoce. Il mesure 1,80 mètre. Pèse 83 kilos. Il a commencé la musculation très tôt. Ce qui fait qu'il possède un corps d'athlète. Mais sans le côté mal fini et mal dégrossi qui rend Li le chef de bande détestable.

Le frère de Kang " le Vigoureux " s'appelle Jie. En Occidental Jie ça veut dire " Exceptionnel ". Il exerce dans la Marine. Dans les forces qui défendent les côtes chinoises.

Dès son plus jeune âge Jie " l'Exceptionnel " s'était fixé cet objectif. Il a tout fait pour ça. Pour réussir. Il pratiquait la course d'endurance et la natation pour avoir toutes les chances d'être sélectionné.

Kang " le Vigoureux " a réussi à convaincre Jie " l'Exceptionnel " de l'initier au sport et à la natation en particulier. Ensemble ils ont pratiqué cette dernière jusqu'au moment où Jie " l'Exceptionnel " quitte le domicile familial. Ça s'est passé il y a deux ans. Jie " l'Exceptionnel " parti Kang " le Vigoureux " continue de s'entraîner. Liang " le Lumineux " et Kang " le Vigoureux " sont les deux garçons qui habitent le plus près de chez moi. Tous les trois nous passons beaucoup de temps ensemble. On traîne pas mal tous les trois.

...

Au final j'arrive devant la maison. Je suis chez moi. Je me maudis de m'être trompé de chemin. Ça me fait chier d'être tombé sur Liang " le Lumineux ". Ce soir je veux pas traîner avec lui. J'ai l'esprit ailleurs. Aussitôt franchi la porte de la maison je me dis que je vais l'appeler pour lui dire que je peux pas venir.

Au moment d'entrer je prends mon expression de poker. J'appelle ça comme ça parce que pour moi ça signifie tout faire pour masquer mes émotions à la maison. De toute façon avec les parents que j'ai c'est la norme. ''C'est interdit. Et pour cause. Mon père est un vétéran de la longue marche. Avec Mao.

Le seul point commun avec lui c'est ce Maman m'en a raconté un jour.

...

- Bao ! En 1949 Mao est victorieux !

Il dirige la Chine ! L'ordre est établi. Il y a un prix à payer.

- C'est quoi ?

- La terreur bat son plein. Elle s'exerce contre les anciens propriétaires. Les brigands qui sillonnent les campagnes. Et pillent. La corruption est partout.

...

Mao veut une ouverture à l'extérieur.

- ?

- La Chine s'aligne sur l'URSS. Elle met en place un plan quinquennal.

- C'est quoi un plan quinquennal ?

- Un ensemble de mesures économiques pour reconstruire un pays. Ça dure cinq ans. La Chine privilégie l'industrie lourde. Mais elle se replie sur elle-même. Les États-Unis c'est l'ennemi. Le Parti communiste est omniprésent. Six millions de membres. Il épure le pays.

- ?

- Il élimine les notables. Il encadre les syndicats. Les mouvements de femmes. Les jeunes. Mao veut adapter le marxisme de Lénine à la Chine. Il introduit une réforme agraire. Il dit :

" Le système de la propriété terrienne repose sur l'exploitation féodale exercée par les propriétaires fonciers. Ça doit être aboli. La propriété terrienne des paysans doit être instaurée pour libérer les forces productives. Préparer la voie à l'industrialisation de la Chine ".

Bao !

La réforme est appliquée sur tout le territoire chinois. Les associations de paysans organisent des meetings. Elles érigent des tribunaux populaires. Ces derniers livrent les propriétaires à la vindicte de la foule. Les propriétaires sont exécutés en public. Cinq millions de Chinois.

- Pourquoi ?

- En Chine le féodalisme règne depuis des siècles. Il faut l'anéantir ! 50 millions d'hectares vont être redistribués. 120 millions de paysans acquièrent leur indépendance. Bao ! Cette politique apporte deux aspects positifs ! Le premier c'est que les paysans chinois bénéficient d'un enseignement qu'ils non jamais connu avant.

- Le deuxième ?

- Les femmes sortent de leur condition. Elles bénéficient de crèches et d'écoles pour leurs enfants. Mao veut retenir la population rurale dans les campagnes. Il redistribue la terre.

- Et le Grand Bond en avant ?

- En 1957 il lance le mouvement des " Cent Fleurs ". Il veut favoriser la libre expression. Il élimine ses adversaires. Le " Grand Bond en avant " c'est pour inciter les Chinois à produire de l'acier en masse.

Les Chinois connaissent les trois années les plus sombres de leur existence. Les famines s‘enchainent. Plusieurs dizaines de millions de Chinois meurent de faim.

La plus grande famine du 20ème siècle.

Le pouvoir dit :

" C’est une catastrophe naturelle " ...

Mao veut masquer son échec. Il faut trouver des coupables.

Il lance un autre mouvement. La " Grande Révolution culturelle prolétarienne ".

Pendant dix ans il écarte tous ses adversaires. Des intellectuels.

Il se refait une légitimité.

Il a une idée.

Déjà éprouvée par Hitler et Staline. Et les tyrans du monde entier. Passés. Et à venir.

- C'est quoi ?

- Le culte de la personnalité !

Ça prend pas.

La Chine plonge dans le chaos. Elle est incontrôlable. Aux yeux du monde entier.

Les valeurs traditionnelles sont renversées.

La hiérarchie n'existe plus.

Les enfants dénoncent leurs parents.

Les élèves frappent leurs professeurs.

Les voisins accusent les voisins.

Les écoles sont fermées.

Les hôpitaux abandonnés.

Les sciences rejetées. L'histoire bafouée. Ou travestie.

Les intellectuels sont méprisés et humiliés en public.

Bao ! C’est le chaos.

La " Grande Révolution culturelle prolétarienne " est une catastrophe. Économique. Culturelle. Humaine.

Les Gardes rouges sont les piliers de la Révolution culturelle. Ils sont jeunes. Ils fuient les campagnes.

Mao a peur. Il veut les éloigner. Il les renvoie à la campagne. Il veut les contrôler. Ils ne doivent pas trahir sa révolution.

Mao crée un autre mouvement.

" Monter dans les montagnes et descendre à la campagne ".

Les jeunes Chinois de la ville sont plus cultivés que ceux des campagnes. C'est dangereux.

Entre les années 1970 et 1980 Mao envoie 17 millions de jeunes Chinois des villes à la campagne. Ils partent à la fin de leurs études secondaires. Ils travailleront dans les campagnes jusqu'à la fin de leur vie.

Mao veut obliger les jeunes intellectuels à s'unir aux masses.

En 1975 Mao lance le thème des " Quatre modernisations " ...

- C'est quoi ?

- L'agriculture. L'industrie. La science. La défense.

Mais Deng Xiaoping revient.

- C'est qui ?

- " L'homme qui a réveillé la Chine " !

- ?

- Mao l'a éloigné du pouvoir.

Mao meurt en 1976.

Deng le remplace en 1977 ...

- Et Papa ?

- Papa rejoint Mao le jour de ses 18 ans. Il répond à son appel. Il part sur un coup de tête. Il voulait quitter ses parents qu'il trouvait trop tradi.

Il  les supportait plus. À l'avènement de Mao et à la prise de pouvoir par ce dernier il a fait partie des premiers Gardes rouges. Quand je lui ai demandé quelle était son activité à ce moment il est resté silencieux. Il voulait pas répondre. Le silence était pesant. Quand il est revenu mon père était un autre homme. Il était transformé. Il était plus le même homme.

Aujourd'hui je sais pas quoi penser de tout ça. Je m'y perds. La seule chose que je vois chez lui c'est l'indifférence. Ou la colère. Comme il ne veut pas exprimer ses émotions il ne m'autorise pas moi Bao à le faire. Ça m'est interdit.

À l'école je pense que les épreuves ne m'aident pas. Si tu craques pas ils savent pas qu'ils ont quand même réussi à te faire du mal.

À l'époque Papa est un homme de trente-neuf ans. Il a les tempes grisonnantes. Il est contremaître dans une usine de contreplaqué située dans la lointaine périphérie de Pékin. Son boulot n'est pas facile. J'ai compris que toujours il est sous pression entre les cols bleus et les cols blancs. Avec les épreuves il se met à boire. Il prend du ventre.

Son physique ne m'impressionne pas plus que ça. Mais en face de moi sa force et sa colère sont redoutables. Il me fait peur.

Bref moi Bao je vais pas bien du tout. Avec moi mon père emploie toujours la même technique d'intimidation. Il se place devant moi. Il m'envoie une volée. Il est violent. Avec lui ce sont toujours des rapports physiques. Ça ne fait que révolter encore plus l'enfant obstiné que je suis. Comme je dis rien il me frappe une seconde fois encore plus fort. Il dit " Arrête ! ". Je me tais. Je ferme ma gueule. C'est pas fini. Papa me frappe une troisième fois.

- Enlève cette expression du visage ou je te l'enlève à coup de gifles !

C'est de là que vient mon expression. La tronche du joueur de poker.

C'est l'élément déclencheur. Le problème c'est que je fais plus aucun effort. Je mets de la mauvaise volonté. Mon père ne supporte pas quand je suis en colère. Ça le fait culpabiliser. Il veut pas que je montre ma révolte et mon hostilité. Il accepte aucune manifestation d'émotion de ma part. Aujourd'hui je suis toujours le même. J'ai pas changé. Et je changerai pas.

Seul Kun peut faire quelque chose. Mon Kun. Lui seul peut me permettre de m'ouvrir à la vie. À sortir de moi-même. À m'éveiller à d'autres choses. Il est le seul qui peut me faire réagir.

Ma mère elle ça peut paraître incroyable mais elle ne s'intéresse pas vraiment à moi. J'ai l'impression de la laisser indifférente. La seule chose qui compte pour elle c'est de se plaindre de son sort. Elle passe son temps à s'apitoyer sur elle-même. J'ai toujours pensé que le mariage de mes parents avait été heureux. Pas du tout. Depuis j'ai réfléchi. Maintenant que j'y pense je réalise qu'à sa façon ma mère sacrifie sa vie pour que nous les enfants on n'ait pas à endurer un divorce.

Ma mère c'est une jolie femme de trente-cinq ans. Elle travaille dans une succursale de la Bank of China située au centre-ville de Pékin. Elle y bosse pour un petit salaire. Dérisoire.

J'ai pas l'impression que son job la passionne vraiment. Le soir elle rentre tard. Elle retrouve une maison en sens dessus dessous. C'est vrai. C'est lamentable. Un mari incapable de l'aimer. Et deux enfants ma sœur et moi-même qui passent leur temps à se chamailler. Et qui sont révoltés. En plus comme tous les enfants nous sommes cruels. On profite des failles de mes parents dès qu'on peut. L'enfance est cruelle. Même en Chine.

Moi Bao je suis l'aîné. Avec tous les problèmes et les interrogations que ça comporte.

Ma mère m'appelle toujours son " petit garçon ". Pourquoi ? Je pense que c'est parce que je suis jamais dans ses pattes. Et aussi parce que je fais jamais d'histoires. En revanche ma petite sœur c'est une terreur à elle toute seule. Elle est infernale.

Son prénom à elle c'est Na. Ça signifie " Fille gracieuse ". Mon œil ! Elle est disgracieuse au possible. C'est à se demander si mes parents lui ont pas donné ce prénom pour me faire chier ! C'est une véritable peste.

En Chine la famille c'est la base de la société. L'individu doit tout à la famille. Cette dernière lui lègue son nom et lui donne un prénom. Le nom de famille l'emporte sur le prénom. Les noms de famille c'est du sérieux. Ça relève de la tradition. Il y a peu de noms en Chine. Sur 1,7 milliard de Chinois il n'y a qu'une centaine de noms de famille courants ! Les prénoms sont libres. Ils reflètent l'époque ou l'espoir des parents pour leurs enfants. Par exemple pour les garçons nés à l'époque de Mao les prénoms les plus courants c'était :

" Construire la République "

" Aimer le peuple "

" Soutenir l'armée " ...

Pour les filles c'était :

" Belle fleur "

" Soldat rouge "

" Discrétion distinguée "

Chez les Occidentaux le prénom accorde plus d'importance au caractère unique de la personne. Il précède toujours le nom. Ça vient du christianisme.

...

En attendant Na ma petite sœur s'est fixé comme objectif d'accumuler toutes les bêtises que je n'ai pas commises. En plus elle en rajoute de sa propre composition. Na a deux ans de moins que moi. Aussi jeune soit-elle elle a déjà eu plusieurs petits copains. En plus elle entraîne les autres filles du voisinage dans ses conneries. Na désobéit constamment à mes parents. Ça a pas l'air de les perturber. Eux la laissent faire tout le temps. Ils ne lui disent rien. Pour les conneries de Na ma mère passe son temps à s'excuser auprès des mères de ses copines.

Na a toujours été populaire à l'école. Par rapport à moi elle obtient toujours de bonnes notes. Et elle me le fait toujours sentir. Elle ne me rate pas.

Dans toutes les familles comme tous les grands frères et comme je suis le plus grand mes parents m'ont prévenu. Mon père me dit :

- Bao. Je t'interdis de battre ta sœur. Quel que soit le motif tu n'as pas le droit de lui administrer une correction. Je te l'interdis. Sinon ça ira mal pour toi.

Un détail. Aujourd'hui il n'empêche que Na et moi on a la même taille.

...

J'ouvre la porte de la maison. Pour une fois c'est Maman qui apparaît sur le pas de la porte. Elle me sourit pour faire croire qu'elle est heureuse. Et que tout va bien. Comme à son habitude. Soudain le sourire s'efface de son visage. Elle dit :

- Bao ... La journée s'est bien passée ?

C'est le minimum syndical. Je le sens. Ma mère vient d'exécuter son petit numéro pour accueillir son fils sur le palier. Elle finit par se détourner pour aller vaquer à ses occupations. Elle m'a déjà oublié. Comme d'habitude je me dirige vers ma chambre sans mot dire. Je prends soin de fermer la porte derrière moi.

Kun ne sera pas rentré avant une bonne demi-heure. C'est fou comme je passe mon temps à penser à lui. Je prends les devants. J'appelle Liang " le Lumineux ". Sa mère décroche le combiné et m'annonce qu'il est parti avec Kang " le Vigoureux ". Je remercie. Aussitôt raccroché le combiné je compose le numéro de Kang " le Vigoureux ".

J'annonce à Kang que j'ai quelque chose à faire avant de les rejoindre. Je peux pas partir tout de suite. Kang est déçu. Je les rejoindrai plus tard. Je peux enfin me concentrer sur mes multiples questionnements concernant Kun et moi. Je prends un bouquin au hasard dans la bibli et je m'installe sur le lit. De toute façon j'ai la tête ailleurs. Incapable de me concentrer. Je me demande surtout comment avec cette histoire entre Kun et moi je vais pouvoir affronter les autres. J'ai une impression bizarre. J'ai l'impression qu'ils sont tous au courant pour notre relation. Quand on est gay on a toujours l'impression que ceux qui vous regardent dans la rue le devinent. Pour les autres j'ai peur qu'ils se regroupent ou qu'ils se mettent tous ensemble pour nous persécuter. Et puis dans ce cas je vois pas comment Kun et moi on pourrait se protéger.

La sonnerie du téléphone retentit. Surprise. Je jette un coup d'œil à mon réveil. Ça fait trois quarts d'heure que je suis assis là à méditer. Je décroche. À l'autre bout du fil ma sœur Na. C'est pas vrai ! Elle m'emmerde.

Elle hurle mon nom. Je sais pas pourquoi. Je ne comprends pas ce qu'elle raconte.

J'éloigne le combiné de mon oreille.

- Na. Parle pas aussi fort !

J'attends qu'elle se calme pour parler. Puis plus rien. J'essaye d'être patient.

- Na. Raccroche s'il te plaît.

Elle ne bouge pas. Elle sait que je suis là. Je vois pas où elle veut en venir.

- Na. M'oblige pas à aller te voir.

Tu te souviens de ce qui s’est passé la dernière fois.

Elle finit par raccrocher.

– Salut Bao. C'est toi ?

C'est Kun. Ça ne pouvait pas être quelqu'un d'autre.

Pendant qu'il me parle mon cœur se met à battre plus vite. Au cours des centaines de conversations que nous avons eues jusqu'à présent je n'avais jamais rien ressenti d'aussi fort. De pareil.

Je suis ému comme c'est pas possible. Au point qu'une boule s'est formée dans ma gorge et qu'elle m'empêche de parler. Ce sont pas des mots ou des phrases qui sortent. Plutôt des borborygmes. C'est horrible. J'ai honte. Qu'est-ce qu'il doit penser !

Atroce. Gênant. Je suis au plus mal. Une des rares fois où il appelle je suis incapable de m'exprimer correctement. Hyper gênant. Je me sens vraiment mal à l'aise. En plus pour ajouter à mon malaise Kun en rajoute.

– Ça va Bao ? T'as une voix bizarre ...

– Je vais bien Kun. Merci.

Je profite de cette petite pause pour reprendre mon souffle. Il reprend :

- Comment est-ce que tu te sens Bao ?

- ... Ça va pas très bien Kun ! Quand je suis pas avec toi comment est-ce que ça pourrait aller ?

Venant de moi c'est une véritable déclaration d'amour. Si j'avais le moindre doute sur ce que je ressentais pour Kun il me l'ôte sur le champ. Je le lui dis.

- Kun. Tu ne peux imaginer l'effet que tu me fais. Je voudrais tellement être avec toi.

?

Dans l'autre pièce j'entends décrocher le combiné.

La voix perçante de Na se fait entendre :

- Bao dépêche-toi ! Je dois appeler. Raccroche !

- ???? Na. Je finis et je raccroche. Ok ?

- Dépêche ! Dit-elle avant de raccrocher avec violence.

- ... Kun. On n'est pas tranquille pour parler sur cette ligne. Les murs ont des oreilles. On se voit demain en cours. Tu peux demander à tes parents si on peut passer le week-end chez toi ?

- Bao ! Je voulais te parler maintenant. Mais je vais demander à mes parents pour ce week-end. Bao ?

- Oui ?

C'est plus fort que moi. Je sais pas pourquoi mais je sens que Kun veut me dire quelque chose d'important. Quelque chose qui va transformer ma vie. Je tends l'oreille pour écouter ce qu'il veut me dire.

- ... Je t'aime Bao.

Patatras ! Na choisit précisément ce moment pour savoir si nous sommes toujours en ligne.

- ??? Moi-aussi Kun. À demain !

- À demain ...

À l'autre bout du fil Kun a pas dû comprendre. Il raccroche. D'une voix impatiente Na me sort :

- Ça y est Bao ? T'as fini de parler avec ton petit ami ?

????

Bon sang. Celui-ci ne fait qu’un tour. De longues minutes sont nécessaires avant que je reprenne mes esprits. Et mon souffle. J'espère qu'elle n'a pas entendu ma conversation avec Kun. Je suis au plus mal.

- Na. La prochaine fois tu attends que je te dise que j'ai terminé. Sinon ça va chier.

Je suis énervé. Hyper contrarié.

Je raccroche. Je suis excédé. Je décide de sortir. Je vais jouer au foot. Ça me fera du bien.

Je verrai Kun demain. J'essaierai de rattraper le temps perdu.

Le téléphone sonne à nouveau. Je pensais que c'était Kun. Comme Na ne hurle pas pour m'appeler j'imagine que l'appel est pour elle. Je me demande bien qu'est-ce qu'elle a à raconter à ses copines. Je comprends pas qu'elles passent des heures comme ça à parler au téléphone. Ça me dépasse. Pourtant elles avaient toute la journée à l'école pour se raconter tout ça. Elles pouvaient pas parler avant ?

Je prends mon ballon de foot au passage. Je quitte la chambre. Je me dirige vers la porte d'entrée. Ma mère m'arrête. Elle me fait signe d'attendre. Elle a quelque chose à me dire. Elle est au téléphone.

- Oui. Oui. Je comprends. Ne vous inquiétez pas. Je m’en charge. Ça se reproduira pas. Merci d’avoir appelé.

Elle raccroche. Elle se tourne vers moi. Elle me lance un regard noir. J'essaye de me rappeler ce que j'ai bien pu faire de mal.

- Où est-ce que tu as l’intention d’aller Bao ?

Merde. Elle semble vraiment énervée. C'est pas dans ses habitudes. Elle a les poings sur les hanches. Elle m'inquiète. Elle attend de pied ferme que je lui réponde. Je comprends pas. Quoi qu'elle me dise j'ai l'intention de dire la vérité.

- Je sors jouer au ballon dans le quartier.

Liang " le Lumineux " et Kang " le Vigoureux " m'attendent.

- ... T’iras pas aujourd'hui avec eux Bao. Tu as passé assez de temps avec tes amis. Surtout que tu les vois déjà pendant les heures de cours.

C'est injuste. Jusqu'à présent j'ai jamais séché les cours.

- J'avais une bonne raison ! Tu crois que j’aurais séché les cours si j’avais pas eu une bonne raison de le faire ?

Le visage de ma mère change de couleur. Elle supporte pas que je lui tienne tête.

- T’avise pas de me répondre ! Ce week-end tu bouges pas. Tu restes avec nous. Et la semaine prochaine tous les soirs je t'attends de pied ferme pour voir si tu rentres bien travailler tes cours.

Merde. Je suis cuit. Je ne pourrai pas passer le week-end avec Kun. Ni le voir après les cours la semaine prochaine.

Avec de telles pensées dans la tête je réfléchis pas. Je réponds du tac au tac. C'est idiot. Je me mets à répondre. Avec violence. À ma mère. Ça y va. Grave.

- T'écoute pas !

Je lui dis.

- Je t’ai répondu que j’avais une bonne raison de sécher les cours. Tu demandes pas pourquoi ? Non. Ça t'intéresse pas. Tu me prives de sorties. Autrement dit tu portes atteinte à ma liberté. En réalité tu te fous pas mal de savoir avec qui j'étais cet après-midi.

- Ah bon ? T'étais avec qui cet après-midi ?

Je me remets à crier.

- J'étais avec Kun !

- Pourquoi t'étais avec Kun ?

- Il était en larmes ! Il était bouleversé. Il avait besoin de parler à quelqu’un ! De se confier. Tu m'as appris à aider les autres lorsqu'ils étaient mal. Et là tu comprends rien !

Ma mère ne dit pas un mot.

Son visage devient rouge. Il vire à l'écarlate. On dirait qu'elle est en état de choc. Avec une violence inhabituelle son fils lui répond. Ce dernier qu'elle considère comme parfait. Car elle estime avoir fait tout ce qu'il fallait dans l'éducation qu'elle lui a donnée.

Je suis un idiot. Le con parfait. C'est sûr. Maintenant c'est tout l'été qu'elle va m'interdire de sortir. Je vais plus pouvoir bouger !

Peut-être même jusqu'à la fin de ma vie !

Par-dessus l’épaule de ma mère, j’aperçois Na. Elle affiche un sourire béat. Ça l'excite de me voir allumer par Maman. C'est rare. Je la vois qui essaye d'étouffer un rire derrière sa main. Maman la voit. Elle ne dit rien. Ça me rend fou.

Quand Maman reprend la parole elle adopte ce ton froid et impersonnel qui m'angoisse. Je le connais ce ton. Je l'entends pas souvent mais il augure de conséquences néfastes. Dramatiques pour moi.

Elle ose me parler ainsi :

- Tu files dans ta chambre. Plus de télé. Plus de téléphone. Pas d’ordinateur. Ton père rentre dans une heure. On va aborder ton cas. On décidera de la punition à te donner. Bao. Tu disparais.

Je fais demi-tour. Je regagne ma chambre. Je traîne les pieds. Pas rassuré. Je fais gaffe à pas claquer les portes derrière moi. Pour montrer ma colère. La révolte qui gronde en moi. Je réfléchis. Je réalise que j'ai été stupide. C'est moi qui ai provoqué ce conflit. Je commence à me poser plein de questions. Je me suis mis dans un sale pétrin. Ça va m'empêcher de voir Kun. Je suis un putain de con. Je mérite pas d'avoir un ami tel que Kun si j'arrive pas à me tenir à carreau assez longtemps. Pour le voir le plus longtemps possible. Puisque j'y suis l'heure suivante je la passe toute entière à ressasser ce genre de conneries. Je suis un spécialiste pour ça. Au point où j'en suis je n'ai plus rien à perdre. Il n'empêche.

Autour de moi les gens m'ont toujours dit que j'avais tendance à être trop dur avec moi-même !

Peut-être c'est vrai. Mais trop tôt on m'a appris qu'il fallait être parfait. Ne jamais montrer ses faiblesses. Passer son temps à masquer ses émotions. Ce qu'on ressent. Pour présenter bien. Rassurer tout le monde. Les gens qui t'entourent.

Le problème c'est que ça devient difficile. J'en ai fait un complexe. En regardant en arrière je réalise que j'ai fini par croire que j'étais mauvais. Que je l'étais vraiment. Paresseux. Stupide. Lâche.

Que j'étais quelqu'un sur qui on pouvait pas compter.

Pourtant faut arrêter de délirer. Je ne suis ni un assassin ni un psychopathe. Je suis pas une mauvaise personne. Un mauvais bougre.

Maintenant c'est vrai que je suis un cas. Je le reconnais moi-même. Révolté. Toujours sur le qui vive. Les nerfs à fleur de peau. Mais bon.

Un matin je me suis réveillé avec une image neuve de moi-même. Pour me remettre les idées en place j'ai ressenti le besoin de suivre une psychothérapie. C'est moi qui ai demandé. Bon. Ça n'a pas été une réussite. Loin s'en faut.

Pour éradiquer mes mauvaises pensées il m'a fallu fournir un long travail personnel. Et même là encore aujourd’hui c'est un combat permanent. De tous les instants. Passer son temps et ses journées à tout contrôler de soi-même.

Pour avoir confiance en moi. Pour me persuader que je suis intelligent. Attirant. Que j'ai quelque chose moi-aussi. Que je peux apporter ma contribution à l'humanité. Faire quelque chose de ma vie !

Et oui aussi pourquoi pas que je mérite tout ce que j'ai et que je possède aujourd'hui. Au final à la limite je me dis peu importe ce que je peux penser de moi à un moment donné ou à un autre. Tout le monde a le droit d'être heureux et de s'épanouir dans la vie.

Mais là je m'égare.

J'entends la porte d'entrée claquer. Mon père vient d'arriver. J'entends Na crier : " Papa Papa ! Devine ce que Bao a fait ! "

Génial. J'avais pas besoin de ça.

Pour une fois j'entends Maman remettre Na à sa place. C'est nouveau.

- Na ! Occupe-toi de tes affaires !

J'entends mes parents discuter entre eux. Je suis trop loin pour entendre. Et écouter ce qu'ils disent. C'est curieux. Mon père n'a pas l'air de s'emporter ni de se mettre en colère. Ça me rassure pas.

Quelques minutes après mon père entre dans la chambre. Je le perçois à la fois comme juge. Jury et bourreau. Rien que ça.

Je regarde son visage avec attention. Il arbore une expression neutre. Le regard vide. Peut-être qu'il en a marre de toutes ces histoires.

Il ne semble pas en colère. Du moins en apparence. Mais il me fait peur. Il m'inquiète. Il referme la porte derrière lui. Il tire la chaise du bureau et s'assoit dessus. Je reste sur mes gardes. Je me méfie des situations inhabituelles.

Ses yeux noirs de jais croisent les miens. Ça me gêne. Ça me met mal à l’aise. J'ose pas le regarder en face. Je détourne le regard. Comme je me pose toujours plein de questions j'ignore s'il s'agit de soumission de ma part ou si c'est autre chose. Après tout peut-être que j'ai peur. J'ai jamais réussi à regarder mon père droit dans les yeux. Même aujourd'hui ça reste difficile. Le parcours du combattant.

- Bao. Pourquoi tu sèches les cours ?

Je m'attendais pas à cette question. Je suis surpris. D'habitude quand je pose un problème mon père entre comme l'ange de la mort. Il m'annonce la sentence. Pourquoi cette fois-ci il semble changer d'attitude ? Qu'est-ce qu'il attend de moi ? Qu'est-ce-qu'il veut ?

Quoiqu'il en soit j'ai choisi de dire la vérité. Quoiqu'il advienne. Le plus souvent c'est ce que je fais.

- ... J'ai séché les cours avec Kun parce que je l'ai trouvé seul à l'école. Il pleurait devant son casier. Il avait besoin de se confier à quelqu’un. Je lui ai proposé mon aide. J'avais peur qu'il fasse une bêtise.

Voilà ! J'ai donné ma version des faits à Papa. Maintenant je me détends. Pas besoin de se perdre en détails. Après tout ce n'est pas une plaidoirie sur moi-même. Ça jouerait pas en ma faveur.

- De quoi est-ce que vous avez parlé ?

Oups. Là ça devient compliqué. Je peux pas dire à mon père que Kun est gay. Je sais pas comment il va réagir. Et puis je veux revoir Kun. C'est le plus important. C'est même vital. Je peux pas risquer que mon père m'interdise de revoir Kun. Ni de le fréquenter. C'est pas envisageable. Je pourrais jamais le supporter.

- Papa. Kun m'a demandé d'en parler à personne.

- Bao. Tu dois me dire ! Ta mère et moi on doit s'assurer que Kun se trouve en sécurité. On veut pas qu'il fasse des bêtises. Qu'il se fasse du mal. Pour ça il faut que tu me dises tout ce qu'il t'a dit.

Bizarre. Je pensais pas que mes parents pouvaient accorder autant d'importance à Kun. Ils ont l'air de le connaître aussi bien que moi. Étrange.

À nouveau je refuse de parler.

- Papa. Je suis désolé. C'est impossible. Comme je te l'ai dit il m'a demandé d'en causer à personne. Donc je ne le ferai pas. Tout ce que je peux dire c’est qu’il va mieux. C'est le plus important. Ne t'inquiète pas. Il a pas l'intention de mettre fin à ses jours. Ou de se droguer. Rien de ce genre.

J'en profite. Je sors le grand jeu. Je continue sur ma lancée.

- Personne ne le maltraite. S'il était en danger je t'en parlerais. Papa. Crois-moi. Kun va très bien. Il avait juste besoin de parler.

Là j'ai l'impression d'en faire trop. À cet instant précis j'ai de plus en plus de mal à cerner mon père. À savoir ce qu'il pense.

Pendant un long moment il me fixe de ses grands yeux noirs de jais. Une fois de plus je soutiens son regard avec insistance puis je baisse les yeux. Il soupire. Se lève de la chaise. Il me dit d'attendre. Il va revenir. Je me demande ce qui va encore bien pouvoir se passer.

J'ai jamais vu mon père aussi calme. Ça m'inquiète. J'aime pas ça. Je préfère ses colères. Je reste assis sur mon lit. J'attends le châtiment. Il revient dans la chambre. Ma mère l'accompagne. Elle a l'air préoccupée. Nerveuse. Mon esprit ne fait qu'un tour. Il tourne à mille à l'heure. Elle ne peut quand même pas savoir que je suis gay ?

- Bao ta mère veut te dire quelque chose. Papa regarde Maman. Elle se met à soupirer.

?

- Bao. Je te dois des excuses. Tu as raison. Je me suis laissé emporter. Je comprends à présent. Tu as vu un ami qui était mal. Tu as bien réagi. Tu as réagi comme il fallait. J'aurais pas dû te crier dessus.

Maman m'adresse un sourire timide.

- Bao. Peut-être je devrais t’écouter davantage.

...

Je suis en état de choc. C'est rétrospectif. Je sais plus quoi faire. Quoi penser. Je suis déboussolé. Perdu.

C'est bien la première fois de ma vie qu'un adulte me présente des excuses. Dussent-ils être mes parents. Je recouvre mes esprits. Je commence à dire des conneries. À sortir des lieux communs. Mais c'est pas moi.

- Ça va Maman. Pas de problème. Ne t'inquiète pas.

Du coup plus rien. Plus de privation de sortie. Rien. Tout est annulé.

...

Je vais peut-être pouvoir passer le week-end avec Kun. L'espoir renaît. Il faut juste que je fasse profil bas. Le reste de la soirée se déroule sans incident. Chacun reprend son masque habituel. Son rôle respectif au sein de la famille.

La télévision fut l’activité principale de toute la soirée. C'est pratique. Ça permet à personne de parler. Quand il en a pas envie. Ou quand il a des choses à se reprocher. Comme par hasard la famille est réunie au grand complet. Vers vingt heures je retourne dans ma chambre. Je reprends la lecture de mon bouquin. C'est un roman fantastique. L'un de mes auteurs favoris : Tolkien. Le Seigneur des anneaux de Tolkien. J'ai lu ce roman plus d'une vingtaine de fois. À chaque nouvelle lecture je découvre des choses nouvelles. Ça fourmille de détails qui m'ont échappé lors des précédentes lectures. Ça se passe comme ça avec tous les livres qui m'ont marqués. L'avant-dernier : H. J. Wells. La Guerre des mondes.

Un jour Kun me demande :

- Mais qu'est-ce-que tu lui trouves à ce bouquin ? Ça a été écrit par un Occidental ! En plus par un Britannique !

- Kun ! C'est de la science-fiction. Tout ce qui est raconté dans ce livre c'est de la pure imagination !

- Pas autant que tu crois ! C'est vrai. C'est une des premières œuvres d'imagination. Elle parle de l'humanité qui est confrontée à une autre race. Cette dernière est extraterrestre.

- Et alors ?

- Il y a pas que ça ! C’est le reflet d'une angoisse ! Celle de l'époque victorienne et de l'impérialisme !

- Mais Kun c'est quoi ton problème avec l'Angleterre ?

- Rien de grave Bao ! Aujourd'hui je sais toujours pas quoi penser de l'impérialisme !

- Qu'est-ce-qui te fait dire ça ?

- La Guerre de l'opium !

- ??

- Bao ! L'opium est importé en Chine par les Portugais ! Dans les années 1800 !

- Il vient d'où l'opium ?

- De l'Inde et de l'Afghanistan ! C'est la Compagnie des Indes orientales qui se charge de l'acheminer vers la Chine ! C'est une société anglaise !

- Pourquoi ils font ça ?

- Ils veulent réduire le déficit commercial qu'ils ont avec la Chine. Pour ça ils obligent les Chinois à importer de l'opium. Dans leur propre pays. Les Anglais vendent de l'opium aux Chinois !

- Pourquoi les Anglais ils sont en déficit ?

- Parce qu’ils sont avides de biens précieux ! Leur économie est florissante. Ils colonisent tout. Ils veulent de la porcelaine. Chinoise car c'est la plus fine du monde. La plus belle et la mieux dessinée.

Ils veulent de la soie et du thé ...

L'empereur Daoguang veut lutter contre ça. Il envoie un commissaire impérial pour saisir l'opium qui se trouve à Canton. Les Anglais refusent.

Avec leurs canonnières ils menacent Nankin. Ils obtiennent la poursuite du commerce de l'opium. Ils nous font signer un traité.

Le traité de Nankin.

Il est injuste. Il nous oblige à ouvrir cinq ports pour faciliter l'importation de l'opium.

Canton. Shanghai. Amoy. Fuzhou et Ningbo.

Les cargaisons arrivent en Chine sans qu'ils payent un droit de douane. Ça suffit pas. Les Anglais exigent des indemnités de guerre. Ils veulent Hong Kong. Les Chinois refusent. Les Anglais s'en emparent !

...

Les Anglais imposent aux Chinois des missionnaires chrétiens. Ils veulent convertir la Chine à la chrétienté.

...

Ils obtiennent de l'empereur Daoguang l'extra-territorialité dans les concessions chinoises.

- C'est quoi ?

- Ils peuvent faire ce que bon leur semble dans les territoires sous domination chinoise ! Du commerce. Celui de l'opium par exemple. Et du prosélytisme religieux. Dans ces territoires le droit chinois n'a plus cours.

- On réagit pas ?

- On peut rien faire ! Nous sommes humiliés ! Ça va durer un siècle ! Les Occidentaux ont un appétit insatiable. Rien ne les arrête. Ils colonisent tout. Toujours plus de territoires. De richesses. De marchés. Ils veulent imposer leur mode de vie aux autres peuples. Leur religion. La religion chrétienne.

Bao ! Dans le même temps la dynastie Mandchou prend la relève. Elle oppresse le peuple. Elle est corrompue. Elle veut préserver son pouvoir !

Les Chinois se révoltent et se tournent vers un prophète. Il s'appelle Hong Xiuquan. Il veut mener la révolte contre les Occidentaux.

- Hong Xiuquan ?

- Un chef de tribu ! Le chef du clan des Taiping. Pour asseoir son autorité il a une idée de génie. Il s'inspire de la religion chrétienne !

- ?

- Il prétend être le frère de Jésus-Christ. Il se proclame " roi céleste ". La révolte est matée dans le sang. Il n'empêche. Avec l'arrivée des Anglais le peuple chinois exige une réforme complète des institutions. Il revendique de meilleures conditions de vie. Une réforme de son système agraire.

Le pouvoir ne réagit pas. Les Chinois rejettent les Mandchou. Ils ne supportent plus leurs manœuvres et leurs compromissions avec l'Angleterre.

Bao !

Les révoltes éclatent de toutes parts. Elles sont dues à la pression fiscale intolérable que les Manchou exercent sur la population. Les Mandchou sont manipulés par les Anglais. Ces derniers infligent à la Chine de lourdes sanctions financières. La population est livrée à elle-même. Le peuple chinois ne peut pas payer. Les Anglais envahissent le palais d'Été. Il est mis à sac.

- Kun ! C’est quoi le palais d'Été ?

- C'est le palais où depuis 5000 ans règnent les différentes dynasties qui président aux destinées de la Chine !

C'est un palais qui s'étend sur 350 hectares au nord de Pékin. C'est un symbole de puissance. De pouvoir absolu sur le peuple chinois. C'est là que se concentre le pouvoir. Le palais d'Été représente cinq mille ans d'évolution de la civilisation chinoise. Il recèle d'inestimables trésors. Il se compose de quatorze palais impériaux.

Bao !

Il y a deux guerres de l'opium …

La première guerre les Anglais et les Français font une alliance. Ils constituent une armée.

Elle occupe le grand palais. Les Français l'envahissent les premiers. Ils se livrent au pillage. Ils entrent les mains vides et en ressortent les mains pleines d'objets de grande valeur. Ils prennent tout ce qu'ils trouvent sur leur passage. Les objets rares et précieux. Porcelaines. Bronzes. Peintures. Sculptures. Soies. Meubles. Après ce sont les Anglais qui font main basse sur ce qui reste. 3500 britanniques envahissent le grand palais. Ce qu'ils ne peuvent pas emporter ils le détruisent.

- Kun ! C'est un désastre ! Les Occidentaux sont des vandales ! Qui sont les barbares ? Qui sont les peuples civilisés ?

- ... Bao ! Seul un écrivain français s'élève contre le pillage du palais d'Été !

- C'est qui ?

- Victor Hugo. Un écrivain français. Il envoie une lettre au chef de l'armée anglaise :

" Il y avait dans un coin du monde une merveille. Cette merveille s'appelait le palais d'Été. Les artistes et les poètes ainsi que les philosophes connaissaient le palais d'Été. Voltaire en parlait. Cette merveille a disparu. Tous les trésors de nos cathédrales réunies n'égalaient pas ce splendide musée de l'Orient.

Nous les Européens sommes les civilisés. Pour nous les Chinois sont les barbares.

Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. J'espère qu'un jour la France rendra ce butin à la Chine ".

Les Anglais mettent le feu au palais sans se soucier de savoir s'il y a encore des gens dedans. Plus de trois cents Chinois périssent dans les flammes. Des eunuques. Des femmes. Des enfants. Des ouvriers.

Ces souvenirs terribles vont ressurgir en France et en Chine.

Dans les années 2000 à Paris a lieu une vente aux enchères. Deux têtes de bronze qui proviennent du palais d'Été. Elles font partie de la collection d'objets d'art de deux couturiers français. Pierre Bergé et Yves Saint Laurent.

- Kun ! La deuxième guerre de l'opium c'est quoi ? Le palais d'Été a été mis à sac une deuxième fois ?

- Les Occidentaux finissent de conquérir la Chine. L'appétit des Anglais et des Français a aiguisé celui de leurs voisins. Huit pays coalisés font main basse sur le pays !

En 1900 a lieu le second sac du palais d'Été avec toutes ses dépendances.

Les treize palais qui restent vont être détruits

...

C'est la dynastie des Qing qui détient le pouvoir. Elle rejette le traité de Nankin.

Les Qing refusent d'ouvrir des représentations et des ambassades anglaises et françaises.

La Chine est humiliée une deuxième fois.

Les Occidentaux obtiennent l'ouverture de nouveaux ports. Ils veulent développer le commerce de l'opium. Ils réclament des indemnités de guerre. Les Chinois ne peuvent plus payer. Les Occidentaux exigent une liberté absolue pour envoyer des missionnaires chrétiens dans toute la Chine.

Bao !

Les Chinois sont anéantis. Le pays est à l'agonie. Les Occidentaux pillent tout ce qui reste du palais d'Été.

- Kun ! On peut pas réagir ?

- Bao ! Depuis plusieurs siècles la Chine s'enlise dans des maux endémiques. C'est une succession de calamités !

Le pays s'est morcelé en une multitude de clans familiaux. En communautés. Citadines. Villageoises. Les campagnes sont pauvres. L'agriculture est archaïque. Chaque communauté se replie sur elle-même. Les différences entre Chinois se creusent de plus en plus.

Les mandarins ne jouent plus leur rôle.

- C'est quoi les mandarins ?

- Ce sont de hauts fonctionnaires recrutés par concours pour servir l'État. Ça marche comme ça depuis des siècles ! Ils se sont transformés en une véritable caste de fonctionnaires. Ils se sont éloignés du peuple. Ils n'exercent plus leur mission. Ils se sont enrichis outrageusement. Ils confondent les recettes des impôts avec leur cagnotte personnelle. C'est intolérable pour le peuple.

Bao !

La population chinoise croule sous l'impôt et sous l'usure. Elle est hantée chaque jour par la famine et le brigandage.

La situation économique est catastrophique. Le pays est dépourvu de routes et de chemins de fer. À cela tu ajoutes les pouvoirs exorbitants que se sont octroyés les chefs locaux. La corruption règne partout. Les croyances et les superstitions perdurent. Elles sont un frein à toute tentative de réforme !

Bao ! Écoute !

Lors de la construction d'un chemin de fer une foule débarque sur les lieux. Ce sont des gens arriérés. Ils font quoi ? Ils arrachent les rails !

- Pourquoi ??

- Les rails peuvent blesser l'épine dorsale du dragon qui vit sous la terre ...

.................

- Moi Bao j'aime les livres. Ils me permettent de m'échapper. C'est un accès à la liberté. Tout le monde me prend pour un fou. Une sorte de demeuré.

Mais il y a un problème. Alors que je suis en train de lire Kun traverse mon esprit en permanence. Il est partout. À chaque seconde. Ça fait cinq fois que je relis la même page. Impossible de me concentrer sur un mot. C'est infernal. Même si c'est pas désagréable de penser à Kun. Mais là ça devient obsessionnel. Je finis par poser le livre à côté. Toute mon attention est focalisée sur Kun. Je passe tout son physique en revue. Le moindre de ses traits. J'imagine Kun dans ma tête.

Il mesure 1.68 mètre. Il pèse 57 kilos. Musclé. Sans excès. J'adore le voir torse-nu. Ses muscles glissent sous la peau. Ça me met dans tous mes états. Son torse est lisse. Les pectoraux bien dessinés. Juste ce qu'il faut. Mais pas trop. Je languis de pouvoir parcourir son ventre avec mes doigts. Ou avec ma langue. Ses jambes sont celles d'un athlète. J'adore observer ses genoux noueux.

Je suis tellement amoureux de Kun qu'il n'y a pas une seule partie de son corps que je n'aime pas. C'est ça l'amour.

Ses cheveux noirs de jais. Son visage anguleux. Ses traits taillés à la serpe. Ses yeux noirs. Ce que je préfère le plus c'est son sourire ravageur. Ma pensée continue de cheminer. Les fantasmes érotiques font leur apparition. Je commence à être excité. Ces temps-ci ça m'arrive souvent. D'ailleurs sans avoir toujours des pensées sexuelles. Ça peut être embarrassant. Là c'est que du bonheur. C'est plus fort que moi. En pensant à Kun je commence à me caresser à travers mon caleçon. Il fallait s'y attendre. Ça empire la situation. Je n'ai pas le choix. La meilleure chose à faire c'est de retirer celui-ci.

Je m'occupe de moi. J'imagine que c'est la main de Kun qui fait le travail. Avec lenteur il fait glisser sa main de bas en haut sur mon sexe. Ça dure un petit moment. Je connais l'orgasme. Je mets un moment à réaliser ce qui vient de se passer. Ma main baigne dans la semence. Je n'ai jamais connu un orgasme aussi fort. C'est Kun. C'est lui qui me fait ça. Il y a que lui pour m'amener jusque là.

...

Peu à peu je me remets de mes émotions. Ça m'amène à imaginer à ce que serait la vie avec Kun. Comme petit ami. Faire l'amour avec lui. Partager avec lui. Rien que d'y penser mon sexe durcit encore. Et je remets ça. Avec mes pensées. Je nous revoie tous les deux. Tour à tour on explore nos corps respectifs. Avec les yeux. Les doigts. La main. La langue. Chaque courbe du corps est une découverte en soi. Chaque détail une exploration nouvelle. On s'enlace. On s'embrasse avec passion. Avec fougue. Allongés côte à côte nos deux corps nus se confondent. Appellent à d'autres plaisirs. D'autres mélanges. De nouvelles découvertes. Ça finit jamais. Ça recommence à chaque fois.

On s'embrasse avec tendresse. On s'aime. Chacun goûte les lèvres de l'autre avec volupté. Il s'abandonne sans retenue. Nos langues cherchent à s'apprivoiser. Sous mes caresses je sens les abdoms de Kun se contracter. Il se tourne. Je sens ses fesses se raidir au contact de mes mains. Quand il se retourne avec mes mains je vais à la rencontre de son pubis. Mes doigts survolent la douceur soyeuse de ses poils.

Bientôt Kun est là debout devant moi. Il se tient toujours nu face à moi. Son sexe fièrement dressé. Il attend quelque chose. Moi-aussi. Je le mets dans ma bouche avec délicatesse. Et là je lui donne ce qu'il attend. Tout ce que je puis lui donner. Je vois alors son visage se crisper sous la montée du plaisir. Les spasmes sont de plus en plus forts. Imprévisibles. Kun éjacule dans ma bouche. Ce liquide chaud. Cette semence âpre. Je ne peux que l'avaler. C'est ce que je fais. Ça vient de lui. C'est à lui. Ça vient pas d'un autre. Je n'en voudrais pas.

Tout ça c'est nouveau pour moi. Ce sont des sensations nouvelles. Jamais je n'ai connu ça avec quelqu'un d'autre. C'est la première fois. Je savais pas qu'on pouvait éprouver un plaisir aussi intense en imaginant qu'on fait l'amour avec le garçon qu'on aime le plus. Qui occupe toutes nos pensées.

...

C'est cent fois mieux que tout ce que j'ai pu ressentir jusqu'à présent.

Je suis exsangue. Je reste allongé. Je profite de l'instant présent. Encore un peu. Plénitude. Bien-être. Vouloir faire durer le plus longtemps possible ce moment de bonheur.

Mon esprit aborde les sentiers qu'il veut. C'est lui qui décide. Kun est le centre de gravité de toutes mes pensées. C'est très bien ainsi. Ça ne me dérange plus.

Je commence à m'endormir. Le sommeil vient. Avec l'image de Kun qui s'immobilise peu à peu.

Il me sourit. Peut-être c'est ça le bonheur. J'ai jamais connu ça auparavant. Je le redis. Je sombre dans le sommeil. Et le bonheur. La dernière image de Kun. Il est là debout devant moi. Cette fois-ci il se trouve dans un jardin. À ses pieds il foule le gravier. Il marche. Il s'avance vers moi. Il me tend les bras.

Il me sourit.

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