Prostitués

À mon passage, certains hommes me lorgnent sans pudeur. Sans vergogne. J'ai la côte avec les prostitués. Les filles et les garçons. Mais ce sont les garçons qui m’intéressent.

Les filles.

J'aime leur maquillage. Ce côté kitch. A en mourir. C'est beau. Esthétique. J'aime ces lèvres charnues pleines. Gonflées. Peintes en rouge vif. Ça m’excite. Très sixties. Marylin Monroe. Lèvres pulpeuses. Je trouve ça très beau.

Lèvres rouge sang. Yeux fardés de bleu ou de noir. Couleurs fortes. Couches de maquillage. Fond de teint. A profusion. Le teint est blanc. Blafard. Parfois c'est trop.

Les filles possèdent cette beauté de la nuit. Elles illuminent le crépuscule.

Le trop maquillage, l'odeur du crayon. J'aime ça.

Les garçons.

J'aime ce côté voyou. Délinquant sans l’être. Ce déhanché provocant.

Immobiles. J'aime la provocation. Sous toutes ses formes. En particulier chez les garçons.

Prostitués.

Sourires et beautés tristes. Reflets de l'âme. De la misère. Je n’imagine pas toute la détresse qu'il peut y avoir derrière ces masques. Ces visages fardés. Fatigués. Par l’attente du client. C'est comme ca.

Tous ces tapins me regardent. Ça me flatte. Mais je sais que c’est pour le fric.

Je marche. Sans regarder derrière. Je dépasse plusieurs groupes d'hommes qui discutent entre eux. Mais je surprends un ou deux regards à la dérobée. Je ne les regarde pas. Je ne leur accorde pas le moindre regard.

Peut-être parce que j'ai peur de me reconnaître en eux.

Sous le portique, dans l'ombre, un mec. 23 ans tout au plus. Il a mon âge. Un prostitué. Il attend.

Le gars me voit. On est chacun de l'autre côté. De ma ligne jaune.

Le gars me lance un regard. Un sourire sans équivoque. Un beau sourire. Triste.

Il se reprend. Il est obligé de faire ça. Besoin d'argent. Nécessité absolue.

Le gars redevient pro. Sourire commercial. Il met en lumière son corps. Il fait exprès. C’est normal. Pour le vendre.

Son corps est à louer. Il n'est pas à vendre.

Il donne l'impression qu'il m’attend. Il ne me quitte pas du regard. Il espère. Normal. J'aime cette illusion qu'il me donne. D'être désiré. Au moins une fois. Il se tourne et se retourne sur place. Il me tourne le dos. Il feint de ne pas me voir. Ça fait partie du jeu. Je suis seul ici. Son regard finit par se fixer sur moi. Puis par se lasser.

Il n'a pas le choix. Je suis le seul dans la rue. Du moins à cette minute. Après il y en aura un autre. Un suivant. Si ça se trouve, le gars n’a pas mangé depuis deux jours. Ca arrive souvent ici.

J'ai peur de faire le premier pas. Comme toujours. J'ai peur de m’engager. C’est mon gros problème. Je n’ose pas. J’ai peur de ne plus pouvoir reculer. De franchir le pas. Cette étape. Baiser un mec.

La barrière de l'homosexualité.

Je repars sur mes pas. Je sens un goût amer dans ma bouche.

Je me sens toujours observé. De loin. Je sens son regard derrière moi. Ça me met mal à l'aise. C'est insupportable. Mortel. Je suis toujours comme ça. J'hésite toujours. Je fais pas. Puis je regrette. Ça me rend fou.

Je me retourne. Il me regarde toujours. C'est sûrement un russe. Un gars de l'est. C'est pas compliqué pourtant. Ya pas besoin de parler pour se faire comprendre. Je peux lui demander ce que je veux. Il le fera. Même les trucs les plus bizarres. J’en dis pas plus. Le cerveau humain est compliqué.

Ou les machins les plus étranges. Il acceptera. Il n'a pas le choix. Il n'est pas là pour me juger. Alors pourquoi j'hésite encore ??