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Lan Yu
7 janvier 2023

Clair Obscur

Tout s'est bien passé avec Cyril. Cyril vit dans une chambre d'étudiant. Plutôt un complexe composé de plusieurs immeubles destinés aux étudiants. Un genre de cité universitaire. Cyril possède une chambre louée par son père. Pour lui. Pour qu'il soit indépendant. Et ne dépende plus de personne. Enfin. Cyril ne possède pas de revenus. En cela, il dépend toujours de son père. Dur à admettre. Cyril est incapable de faire des petits boulots. C'est pas son truc ... Déjà pour en chercher, c'est tout un monde ... C'est pas qu'il soit privilégié et qu'il en profite. Non, c'est autre chose ... C'est plutôt qu'il retarde au max l'échéance pour aller travailler. Sa chambre est petite, pour ne pas dire minuscule. Mais il s'y sent bien. Elle est à lui. C'est son monde. Son univers. Son chez soi. Il s'y sent mieux que chez ses parents. C'est sans commune mesure ... Cyril l'adore. C'est son univers. C'est à peu près le seul dont il dispose. En tout cas, dans sa tête. Dont il est maître. Le maître absolu. C'est pas grand chose, mais c'est à lui. Dedans, il ne possède pas grand chose. Le minimum, mais ça lui suffit : un lit, un bureau, une bibliothèque. Qu'il a lui-même composée. Avec fierté. En tout, une douzaine de bouquins auxquels il tient vraiment. Des livres de poche pour la plupart. Des poches de Cronin, de Paul Auster, pour l'essentiel. Il a l'impression qu'un livre de poche, on peut l'emmener où on veut ... il sera toujours présent, disponible pour lire le passage, le chapitre que bon vous semble, dès qu'on en a envie ... sur une passerelle en attendant une rencontre, sur un bateau qui fait visiter une rade ...

Il dispose aussi d'une petite salle de bain. Les wc sont situés dans le couloir. Il s'en fout. Il les partage avec d'autres étudiants. Quand il les voit. Il les voit pas souvent. C'est bizarre, il s'attendait à ce qu'il y ait un monde fou dans cet immeuble ... Mais non? On rencontre personne. C'est incompréhensible. Que foutent les autres ? Ils sont là ? Ils existent ? Vraiment ? ... Ce qu'il ne comprend pas depuis qu'il est là, c'est qu'il ne les voit quasiment jamais. Incompréhensible. Et dire que c'est son père qui lui a trouvé cette " piaule " ...

Marco et lui, dès qu'ils se retrouvent, discutent à bâtons rompus. Ils échangent leurs idées, leurs points de vue sur tout. Politique, culture, religion, musique. Si Marco est plus musique, livres, culture, musées, expositions, plus hétéroclite en somme, dans ses goûts, Cyril, lui, est davantage porté sur le rock. Il écoute beaucoup de musique : option métal. Progressif. Arcturus, Nightwish, Smashing Pumpkins, Riverside ... Le meilleur. Pour lui. Il en écoute dès qu'il rentre, quand il est sur l'ordi ... Il veut être un découvreur. Il veut être le premier en cours, à connaître un nouveau groupe. Bon. Dont il soit fier. Et le faire connaître, en parler.

Au début, Marco voit, considère Cyril comme un être un peu inculte, naïf, gentil, un bon fonds, mais à qui il manque quelques connaissances élémentaires dans pas mal de domaines. Il le trouve vraiment naïf pour certains trucs. En particulier sur le terrain de la politique? Ça l'agace un peu ... Et ça lui fait même un peu peur. Mais après tout, il ne vit pas avec lui. " Pas encore ... " ne peut s'empêcher de penser Marco. Ce garçon est si charmant, si doux, vraiment ...

Au fur et à mesure de leur relation, de leur découverte mutuelle et respective, Marco découvre un être sensible, attachant. Un garçon qui en définitive connaît une foultitude de choses. Marco le réalise à chaque fois qu'ils se retrouvent. Un garçon qui, en définitive, s'il maîtrise peu de domaines, les connaît à fond. Tandis que lui, Marco, possède somme toute, une vue des choses assez limitée, peut-être un peu superficielle ...

Dans les études, Cyril est un littéraire, un peu comme Marco, mais plutôt porté sur l'analyse, et pour des sujets portés sur le socio-économique. Il a, il possède une vue plus réaliste, plus "terre-à-terre" des choses. C'est un peu dans cette esprit-là qu'il a choisi Economie ... Social ... Plutôt socio. Pourquoi les gens, que font-ils, comment s'organisent-ils pour vivre, comment ils organisent la société ... Leur société. Société des hommes, des humains ... Cyril est un penseur. Il se définit comme tel. Lui, Marco, c'est un scientifique. Cyril découvre le monde via l'ordinateur, Marco est un actif. Il a besoin de bouger tout le temps, de découvrir en visitant, si possible quelque chose de nouveau, de neuf, une expo, assister à un congrès, une conférence, participer à un colloque ...

Cyril s'intéresse à Marco. A ce qu'il étudie, à ce qu'il a déjà fait. A ce qu'il fait aujourd'hui. A ses études d'ingénieur ... Marco réalise lui-même que ce qu'il a retenu de ses études d'ingénieur intéresse de plus en plus Cyril. Cet intérêt semble réciproque entre les deux garçons. Ca grandit. Ils s'en étonnent eux-mêmes. Marco, le premier, n'en revient pas. D'ailleurs, ce qu'il a vu et retenu lui-même de ses propres sorties, de ses propres expériences, de ses propres découvertes, visites, excursions, sur l'innovation technique, la technologie du futur, les planètes, le Cosmos, mais aussi leur devenir, leur évolution, les étoiles, les comètes, leur odyssée, leur fuite illimitée dans le temps, tout ça semble fasciner Cyril ...

Mais l'idée lui vient que toutes ces sorties qu'il a réalisées durant les deux dernières années étaient peut-être pour lui un moyen de fuir sa solitude. Peut-être même une façon de fuir des sensations de plus en plus inquiétantes, qui l'encombrent au quotidien. Elles le dérangent de plus en plus.

" Je suis peut-être pas fait comme les autres ... Pour faire comme les autres ... Je ne suis peut-être pas fait comme les autres ... Je ne suis peut-être pas comme les autres garçons. Depuis le lycée. Depuis la terminale. Depuis toujours ... Peut-être.

L'idée lui vient que, si ça marche avec Cyril, tous les deux, ils se complèteraient à merveille. Il rêve du couple idéal. Avec un autre garçon. Avec l'impossible. Marco rêve. Il le sait bien. Ils n'en sont pas encore là. Ça viendra d'ailleurs peut-être jamais.

En outre, Cyril possède un caractère particulier. Marco n'a pas l'habitude. Il n'a encore jamais vécu avec quelqu'un. Pas même avec une fille. Alors, avec un garçon ... Mais il veut être confronté à un autre caractère que le sien. Radicalement différent du sien. C'est plus excitant. Il y a plus de choses à faire. Se mettre, se remettre en question chaque jour. Ça oblige à construire. Mieux, à bâtir un couple. Il y a la notion d'effort. A fournir. Donc, ce sera plus solide. Ou ça passe, ou ça casse, à vrai dire. Oui, ça peut casser. Mais si ça passe, quelle victoire ... Après tout l'amour, ça aussi, c'est peut-être un combat de chaque jour, à mener au quotidien ... L'amour acquit à la lutte ? A la force du poignet ? Pourquoi pas ... De façon naturelle, déjà, Marco aime bien être confronté à la différence, à l'opposition plutôt. Ce qui est facile, l'ennuie. Ça lui donne un aperçu de la vie, de l'avenir. Il aime bien être confronté à un autre caractère que le sien. Cyril est un être simple, modeste, naturel, introverti, discret. Très pudique.

Ce qu'il aime le plus, chez Cyril, c'est son naturel. Ce garçon est désarmant. Même parfois un peu naïf ? Ca fascine Marc. Ça remet profondément en question sa vision de l'autre. Il s'attendait à ce qu'il faille trouver l'idéal chez l'autre pour avoir un couple solide. Là, il réalise que ça peut être le contraire ... "J'avais pas pensé à ça ... A tout, mais pas à ça ... L'autre pourrait être à l'opposé de soi à ce point ?? Difficile à admettre ... Ça voudrait dire que même au niveau des passions, celles-ci pourraient être diamétralement opposées ? ... "C'est carrément déroutant.

Aucun complexe, ce Cyril, " Il est tel qu'en lui-même ... pense Marco. "Conçu ainsi par les Dieux ? Mais quels Dieux d'abord ? De qui parle-t-on ?

Cyril emploie sans cesse un mot pour l'autre. Ou une expression. Ce qui revient au même. Et ça ne le gêne pas ? Non, même pas ... Et puis Cyril n'a pas peur de dire, de parler, de s'exprimer. C'est plus fort que lui. C'est une nécessité de vivre, de vie, chez lui ... Avec lui, Marco se sent en confiance. C'est ça qui l'impressionne, aussi. Il sait, il sait pas pourquoi mais il le sait, que garçon-là ne le trahira jamais. Façon d'aimer là-aussi ? Une autre façon d'aimer ? Un autre concept de l'amour ?

Jamais Marco ne reprend Cyril tellement il aime son naturel. Jamais l'humilier -ou en prendre le risque- jamais ça - plutôt mourir- s'il venait à prendre un mot pour un autre. Devant Marco, Cyril ne se retient pas -il n'en a pas la force-ni la retenue. Pourquoi l'aurait-il ? Cyril est trop bien avec Marco. Il ne se pose pas plus de questions. Ça lui suffit. Ça suffit à son bonheur. Se sentir en confiance avec l'autre. Avoir confiance.

Néanmoins, lorsqu'ils se retrouvent devant d'autres personnes, c'est un autre problème.

Le problème, pense Marco, c'est que Cyril a du mal à se mettre en valeur auprès des autres, en avant. Il a des difficultés à exprimer ses idées, et surtout à les défendre. Il a besoin d'être en confiance. là-aussi peut-être. D'avoir à ses côtés, un être qui, par sa présence, lui donne confiance. Il a besoin de se sentir soutenu par un autre esprit qui, sans le laisser apparaître en public, est d'accord avec lui, le soutient dans ses idées.

Au sein d'un groupe, qu'il connaisse ou pas les personnes qui le composent, Cyril reste obstinément muet.

" Il est pas sûr de lui " se répète Marco en lui-même. "Il n'est pas sûr de lui. Il faut faire quelque chose. Il faut que je fasse quelque chose ... Putain, mais qu'est-ce qui m'arrive ? Plus je recèle de fragilités, de défaillances, de faiblesses chez ce mec, plus je deviens amoureux de lui ... Je tombe amoureux de lui, ou quoi ? ...

Bien-sûr, sur un autre plan, sur un autre terrain encore, Marco sent bien que Cyril voudrait montrer, lui prouver à lui, Marco, à celui qu'il considère d'emblée comme son ami, à qui il donne son amitié sans retenue, déjà, qu'il est à la hauteur. À sa hauteur. À la hauteur de Marco. Plaire à Marco. Le séduire. Déjà !! Cyril ne réalise pas qu'il va un peu trop vite.

Cyril. Personnalité complexe. Humaine. Terriblement humaine. Multiples facettes de la personnalité humaine. Toutes ?

Il veut, il doit mériter les ambitions que Marco a pour lui. Il doit être à la hauteur de ce mec. C'est son but. Il ne le sait pas encore. Il sent qu'il l'intéresse. Il doit se montrer à la hauteur. Marco le scientifique. Lui, Cyril, le littéraire, le socioculturel. " Il sait que je suis quelqu'un de bien. Et lui-aussi, c'est quelqu'un de bien ...

Je peux susciter l'intérêt de Marco ... Je peux mériter cet intérêt. J'en suis sûr. J'en suis certain. Même si on est pas ensemble. Pas encore. Mais ça va venir. Et même quand on sera ensemble. On doit sans cesse mériter l'autre. Devoir de tous les jours. Chaque jour peut être le dernier. Pourquoi perdre son temps à penser à l'avenir, au fond ? ... " Je le sens. Je le sais. Tout ça c'est écrit. Que je rencontre Marco. C'est dit. Je l'ai trouvé dans les signes des Étoiles. Chère Astrologie. Comme tu m'aides. A discerner tout cela. A faire le tri. Nos destins étaient appelés à se rencontrer. J'y crois dur comme fer, moi, à la croisée des destins. A la croisée de nos chemins. Au nôtre. Nos planètes convergent. Je l'ai vu. Je l'ai vu dans mes bouquins. Les manuels sont formels. J'ai lu des articles, des épisodes, même des articles qui confirment ça. J'ai éteint la lumière. Il était 4 heures "

Cyril a regardé ça un soir, alors que Marco venait de partir. Il est sûr de ne pas se tromper.

" Je veux être digne de ce mec. Il le faut. Je veux qu'il soit fier de moi. Toujours. C'est tout. Et je le veux. Et c'est ce qui compte ".

Cyril trouve Marco si beau ... Chaque jour il le découvre. Il tombe amoureux. Peu à peu. Ce qu'il ne comprend pas, ce qui lui échappe, c'est qu'au départ, c'est la similitude de pensées communes. Qui les unit. L'un et l'autre. Ce qui les a attiré l'un vers l'autre. Marco. Les traits du visage taillés à la serpe.

D'autres pensées, d'un autre genre, d'une autre nature commencent à l'assaillir. "J'ai hâte de découvrir son corps. Quand j'y pense, ça me ronge. Putain, parfois, quand je le vois, j'ai envie de rien dire ... Je veux seulement me serrer fort contre lui ... Et qu'il me prenne dans ses bras ... J'ai besoin qu'il me protège ... Me sentir protégé par lui ... Et moi, je protège qui dans ce cas ? ... Je suis torturé ... Parfois, et je ne comprends pas ce qui m'arrive ... Ce n’est pas à l'homme de protéger ? D'être protecteur ? D'être le protecteur ?? ... Ça me ronge. Je m'y attendais pas. C'est une évidence. J'ai pas prévu cette circonstance humaine ...

Lenteur. Langueur. Marco ... Il revient souvent dans les pensées de Cyril lorsque Marco est absent. C'est comme des flashs. Intempestifs. Incontrôlables. Qui surviennent soudainement. Qui arrivent par surprise. "Aux moments où je m'y attends le moins ... Comme si quelqu'un me l'imposait ... D'office ... J'ai pas envie de penser qu'à lui ... Qu'à ce mec ... Il y a pas que lui dans la vie, dans ma vie ... Si, en fait, je ne pense qu'à lui. Et moins il est là, présent, avec moi, plus ça devient une obsession. C'est normal ? Putain, ça m'angoisse ...

En plus, c'est bizarre ... Ce sont des flashs de positions, d'attitudes, des images immobiles, figées dans le temps, colorées, je vois son visage ... dans toutes les attitudes, les postures de la tête, réfléchi, angoissé, anxieux, souriant, perplexe, ennuyé, concentré, contrarié ... Putain Marco, tu me fais perdre la tête ...

C'est pas simple. Pas si simple. Marco semble très exigeant parfois. C'est un de ses traits de caractère que Cyril n'a pas perçu au départ. Et qui le terrifie. "Je sens que ça va pas être évident cette histoire ... Déjà quand je lui ai demandé "T'as déjà eu une histoire avec un mec ?

- Non. Et toi ? ... J'ai pas répondu. J'ai pas osé répondre ... Qu'est-ce que ça peut bien faire ? ... Ça change rien ... Enfant, adolescent, même adulte, même maintenant, aujourd'hui, je me sens inférieur, diminué, complexé ... Humilié aussi, par mon frère et par ma sœur ... Ils raisonnent plus vite que moi ... Qu'est-ce-que j'y peux, moi, à ça ?? ... De toutes façons, c'est Marco qui m'intéresse, aujourd'hui ... J'ai pas le profit d'un gagneur comme lui ... Le profit d'un battant.

Depuis l'âge de onze ans, déjà, je sens que je suis différent. Différent des autres. J'ai compris que je le serai toujours. Définitivement. Indéfiniment. Je philosophe ? Non ... J'essaye de surnager, c'est tout ... De ne pas partir dans les profondeurs de ce cours d'eau qui submerge ma vie… Qui parfois me défie ... Dont les vagues, je sais pas pourquoi, se dirigent vers moi ... Contre moi ... Elles m'en veulent ... Je comprends pas ... Lame de fond inexorable qui entraîne vers la mort si on ne veut pas faire l'effort de rester en vie ... J'y peux rien. Je suis pas fait de la même pâte que mon frère et ma sœur. Inexplicablement. Malheureusement. Même si nous sommes faits de la même chair"

Pour une raison inexplicable, inexpliquée, la sœur de Cyril, de deux ans sa cadette, sent d'instinct que Cyril est particulier. Pas comme les autres garçons. Elle sent chez lui une sensibilité, une fragilité, un manque d'assurance, une défaillance qui englobe tout son corps, son âme et son cœur ... Elle ressent chez lui une finesse, une distinction, un détachement, une distance qu'elle prend pour de l'orgueil, de la provocation, de la prétention. Une sorte de fierté, de mépris. Qu'elle est de moins en moins encline à accepter de la part de son frère. Dans sa tête, elle ne veut, elle ne peut l'accepter. Quelque chose l'en empêche.

Quelque chose la gêne. Lui fait peur. Lui fait honte. Elle frémit. Seule. Parfois. Quand elle pense à son frère. Son grand-frère.

Enfant, Cyril ne se mêle pas à leurs jeux. Aux leurs. Il donne l'impression de snober sa sœur et son petit frère. Elle prend cela comme une autre attitude de mépris, de dédain de la part de Cyril.

Adolescente, sa pensée évolue.

" C'est sûrement une façon de se protéger " pense-t-elle.

Cyril ne participe pas à leurs jeux. Il préfère rester seul, jouer seul, dans sa chambre, dans celle que d'instinct, ses parents lui ont attribuée. Ils ont fait attention, on dirait qu'ils ont fait exprès, ou qu'ils ont pensé que c'était mieux pour lui, veillé à ce qu'il soit seul à vivre, à dormir dans sa chambre. Comme pour ne pas être dérangé. Dans son essor. Son évolution. Ont ‘ils senti quelque chose ? Quoi ? Parfois il reste des journées entières. Des heures entières dans la journée.

Il ne ressent pas le besoin de sortir de sa chambre. Même pas pour aller parler un peu à ses parents. Il n'en éprouve pas le besoin. C'est comme ça. Jusqu'au soir, jusqu'à la nuit qui tombe, l'obscurité qui recouvre tout, il joue avec ses figurines miniatures, des soldats de plomb que ses parents lui ont offert, achetés à un marché aux puces. Occasions. Un peu usés. Cyril est bizarre. Il attache une valeur sentimentale à ces petites figurines alors qu'il n'éprouve pas le besoin de voir ses parents. Il leur parle. Elles ne disent rien. Elles l'écoutent toujours. Il leur dit tout. Il peut tout leur dire. Sans pudeur, sans complexe, sans avoir peur d'être jugé.

Il écoute de la musique. Une musique violente. Du rock. Il est contradictoire. Il aime la violence du rock. A côté de ça, pour ressentir au plus profond les émotions, il adore écouter un cd, usagé, trouvé il ne sait plus comment, il a perdu le boîtier, de Gabriel Fauré. Du piano. Ça l'émeut.

Enfant, gamin, plutôt que de regarder les histoires, les séries télévisées, les films, à la télévision, les avaler tout cru sans avoir la distance pour les comprendre, pour comprendre de quoi on parle, de quoi ça parle, il préfère les inventer. Il préfère créer ses personnages. De toute pièce. Dans l'intimité, la solitude, l'espace de sa chambre. Il imagine des scénarios complexes, inextricables, qui peuvent durer plus longtemps, où chaque personnage se trouve en proie à des difficultés. À ses propres difficultés existentielles. A ses propres questionnements? À ses propres dilemmes. D'autres personnages, que Cyril invente encore, et toujours, essayent de les aider à les résoudre. Le malade et le guérisseur. Mais ils n'y arrivent pas. Comme si l'histoire ne devait jamais s'arrêter. Comme si les histoires humaines ne devaient jamais trouver une issue, une réponse, un dénouement ... Une fatalité ? ... Cyril met en place des histoires, ses propres histoires. Ils les installe les unes en face des autres et les fait parler entre elles pendant des heures. Jusqu'à temps qu'il sente les muscles de ses épaules s'engourdir. Et qu'il a mal.

Les réunions de famille le rebutent. Il ne parle jamais, ne prend jamais la parole. Mais il écoute beaucoup. Il vient au salon lorsqu'il y a du monde. Il s'assoit. Il écoute. Il ne parle pas.

Lorsque les amis de ses parents viennent à la maison, passent parfois un soir, histoire de se retrouver un peu, il arrive toujours, comme par hasard, au milieu des conversations. Lorsque celles-ci prennent de l'ampleur. Il s'assoit, tout simplement, un peu derrière le cercle. Derrière les autres. Il n'aime pas se mettre en valeur. C'est pas pour lui. Il ne prend jamais la parole. Si d'aventure, on l'interroge, pris de panique, son cœur bat la chamade, ça le bloque. Il se lève avec brusquerie. Il donne l'impression d'être démasqué. Il regagne sa chambre. Il prend soin de bien refermer la porte. Il oublie le comportement étrange qu'il a eu. Qui est le sien.

Son frère parle tout le temps, beaucoup, à tort et à travers. Cela ne l'aide pas. Ça n'aide pas Cyril. Ça suffit à lui enlever l'envie, le désir de parler, de s'exprimer. Ou de commencer à le faire.

Curieux garçon. Qui ne parle jamais. Qui préfère écouter.

Sa sœur Géraldine elle, veut, elle en rêve, un grand frère dont elle soit fière. Celui dont elle a besoin pour asseoir sa personnalité. Elle veut être fière de son grand frère, à l'école. Puis au collège. Puis au lycée. Comme quelque chose, une vérité, une certitude qu'elle cherche toujours et qu'elle n'a pas obtenu. Qu'elle n'a jamais réussi à obtenir.

Mais elle comprend que c'est impossible.

Géraldine veut frimer. Devant les copines. Pouvoir leur désigner, à la dérobée, sous le préau de la cour de récréation, le grand frère, son grand frère, celui qui du haut de sa taille, dépasse les autres ...

Que son frère ne soit pas comme elle veut, ça la rend dingue. Folle. Agressive. Méprisante. Odieuse. Elle finit par indisposer, insupporter ses copines. Avec les années, ça empire. Ça se transforme en haine. En haine des autres.

Cyril est gêné par son corps. Il a grandi trop vite, trop tôt. Plus vite que les autres. Il l'a vécu comme un handicap. Un sacrilège. Quelque chose qu'il ne méritait pas. La course à la personnalisation emprunte parfois des chemins trop durs, trop durs à vivre, à en pleurer, pour certains caractères pas préparés à ça ...

Un frein.

Il se dit que c'est ça qui l'a différencié des autres. S'il n'avait pas grandi aussi vite, il aurait été comme les autres. Pas dissemblable. Pas de différence dès l'origine. Pas rejeté. Pas exclu en passant pour la grande girafe de service. Avec le temps, il se dit qu'ils étaient jaloux. Les garçons sont bêtes parfois. Ils auraient bien aimé avoir sa taille. Mais lui se trouvait maigre. Trop grand. Pour séduire, plaire à qui que ce soit. Ça a contribué à lui donner ce sentiment d'infériorité, ces complexes dont il a du mal à se défaire aujourd'hui. Tout le monde n'a pas le privilège d'être solide.

Ça fait maintenant plusieurs jours que Cyril et Marco passent leur temps ensemble. Ils passent beaucoup de temps ensemble. Ils prennent de plus en plus de plaisir à se retrouver.

" A sentir que celui qui est en face est peut-être comme moi. Qu'il peut peut-être me comprendre. Enfin. Ressentir les mêmes choses que moi, je ressens ...

Chaque retrouvaille devient une fête. Est une fête. Ça devient un rituel. Ils apprennent à se connaître, l'un de l'autre. Ils apprennent l'un de l'autre. Avec Marco, en sa présence, avec lui, avec son aide, Cyril apprend à sortir de lui-même, de son corps, de sa tête, de son esprit, de ses pensées, de ses complexes, de ses refoulements. Il aura fallu qu'il attende 23 ans pour rencontrer celui -ou celle ?- enfin, qui l'oblige à sortir de sa réserve, de lui. De lui-même. Peu à peu, il s'ouvre à Marco. Il sait qu'il lui faudra du temps. C'est très lent. Il en a conscience. Mais il le veut. Il le veut absolument. Il a besoin de ça.

Ils se retrouvent après la fac, chez Cyril. Ils commencent toujours par s'asseoir sur le lit de Cyril, côte à côte. Ils se racontent leur journée, leurs impressions, ce qu'ils ont appris. Ce qu'ils ont entendu. Mais aussi ce qui les a choqués. Leurs interrogations aussi, sur ce qu'ils sont, sans oser vraiment le dire, l'exprimer, en parler. Ils n'osent pas encore l'affirmer. L'un et l'autre ont déjà eu une expérience sexuelle avec une fille. Mais ils n'osent pas en parler. Se l'avouer. Une part de honte les anime encore. Les retient. Ils savent que s'ils en parlent, le pas sera franchi. Ce sera aussi celui de la marginalisation. De leur marginalisation. Ils ne pourront pas revenir en arrière. Et ça génère encore de l'angoisse, de l'appréhension. Pour Marco, la fuite en avant lui permet de ne pas y penser. Lui évite de se pencher sur le sujet. De trop s'interroger. Pour Cyril, il intériorise tout. Il y pense sans arrêt. Ça finit par le rendre fou. C'est une obsession. Dieu merci, Marco est arrivé. Depuis qu'il est avec lui, ça va beaucoup mieux.

Cyril prend de plus en plus de plaisir à parler avec Marco. Il se sent en sécurité. Il ne sera jamais jugé sur ce qu'il dit. Marco s'intéresse de plus en plus à lui. Cyril découvre qu'en parlant avec lui, il se découvre lui-même. Ça change du mutisme. De son mutisme.

Marco et lui refont le monde des soirées entières.

Marco reste de plus en plus tard chez Cyril. C'est dans ces moments-là que Cyril commence d'éprouver un sentiment étrange, d'attirance, physique, vis-à-vis de Marco. Attirance, fascination intellectuelles au départ. Aujourd'hui, Cyril découvre le physique de Marco. Qu'il possède un corps. Un corps d'être humain. Le corps d'un homme. Comme lui. Comme le sien. Ça l'angoisse. Il y a trois nuits, il s'est réveillé en sueur. Effroi. Terreur. Terreurs. Panique. Dans son rêve.

" C'est un rêve ou un cauchemar ? ...

Il rêvait que Marco le prenait. Il ressentait une sensation érotique comme jamais il n'en avait connue jusque là. Puis dans son rêve, Marco finissait par disparaître dans les ténèbres. Irrésistiblement. Irrémédiablement. C'est ça qui l'a réveillé. En sueur. Terrorisé.

Cyril n'en a jamais parlé à Marco. Il n'ose pas. Pas encore. Il ne le connaît pas assez pour ça. Mais depuis, il le regarde sous un autre angle. D'une autre façon.

Il ne peut s'empêcher de le détailler, de le découvrir sous un jour nouveau à chaque fois qu'il le voit. Regards furtif. Coups d'œil amusés. Ironiques. Une histoire se met en place. Il découvre peu à peu le corps de Marco. Jusqu'à présent il n'y avait pas fait attention.

Cyril tombe amoureux de Marco. C'est un sentiment étrange. Bien-être. Envie de protéger. De protection ? ... D'aimer. On fait attention à l'autre. On a besoin de tendresse. On a besoin d'en donner.

Cyril et Marco se voient trois fois par semaine.

Dans l'amphi, sciences économiques, Cyril décroche. Il se sent de plus en plus lointain. Il commence à prendre de la distance malgré lui. Sa pensée s'égare de plus en plus. L'amphi, le prof, les profs, les autres, les étudiants, tout ça se transforme dans sa tête en un brouhaha, un maelstrom informe. Incompréhensible. Sans queue ni tête. Il comprend plus rien. Il se demande ce qui lui arrive. Il s'est même rendu compte qu'il n'avait plus faim. Il perd l'appétit. Il n'arrive plus à se concentrer. Quelque chose ne va pas. Il le sait. Plus rien n'est comme avant. Il le sent. Il ne comprend pas le sens de tout ça. Il éprouve de plus en plus de mal à suivre le fil.

Tout ça, ce prof qui parle de choses qui lui semblent de plus en plus étrangères. Lointaines. Ça lui passe au-dessus de la tête. Malgré lui, Cyril se surprend à compter, à calculer le nombre d'heures qui lui restent avant qu'il ne retrouve Marco.

Ces retrouvailles à deux leur font du bien. Un bien fou. Elles leur permettent de se dépasser. Cyril ne peut plus s'en passer. Marco se sent comme aimanté par ce garçon tellement différent de lui. Il réalise que c'est ça, qui avant tout, l'attire chez ce garçon.

C'est le fait qu'il se situe aux antipodes de sa propre personnalité.

Ça le fascine.

Ils se sentent moins seuls, moins isolés, moins décalés. Moins marginaux. Moins différents. À deux, on est plus fort. Surtout Cyril qui cherche quelqu'un sur qui s'appuyer, se reposer, se stabiliser, reposer son cerveau toujours en ébullition, incontrôlable, qui va dans tous les sens, qui passe d'une idée à l'autre sans s'arrêter. Des idées furtives, à droite et à gauche. Dont il ne comprend pas le sens lui-même.

Avec Cyril, se dit Marco, il faut suivre...

Marco, lui, est plus réfléchi. Plus rationnel aussi. Cyril, l'irrationnel. Marco, le rationnel, le cartésien.

Marco éprouve du bonheur avec Cyril. Il découvre chez lui un univers qui lui était méconnu ... Cyril l'oblige à être réactif. À se repositionner sans cesse. À remettre ses idées en question. Il était convaincu d'avoir raison ?? Cyril fout le bordel et l'oblige à restructurer ses idées sous un angle nouveau. Avec Cyril, il se pose des questions qu'il ne s'était jamais posées jusqu'à présent. Des questions sur la vie, sur la mort, l'infini, l'éternité, le cosmos, les étoiles, les planètes, la vie, le sens de la vie, pourquoi est-on homo, pourquoi ne l'est-on pas, pourquoi faire des enfants ... Pourquoi c'est plus facile pour les uns, pourquoi c'est plus difficile pour les autres ... Qui suis-je ? Qui est-il ? Pourquoi lui et pas moi ? Pourquoi les autres et pas eux ... Pourquoi il y en a qui souffrent plus que d'autres ? Comment vivre ? Bien ? Pourquoi le bien ? Le mal ? Pourquoi exister ? Quel peut être l'idéal de vie en ce monde, quel est le sens de la vie à deux, l'utilité de fonder une famille, comment deux garçons peuvent-ils fonder une famille, le justifier ? Pourquoi se justifier auprès des autres ? ... Pourquoi en ressentir le besoin ou la nécessité ?

Marco n'en peut plus. Il va craquer. Mais non. Il en redemande. Il s'enrichit auprès de Cyril. Il grandit à son contact. Lui, l'apprenti ingénieur est obligé de revoir ses calculs. Remise en question permanente.

De fil en aiguille, Marco découvre un autre Cyril, un Cyril qu'il avait occulté au départ. Un garçon avec plein de valeurs, d'idées, qui au départ, se taisait, ne disait rien, mais qui maintenant, se dévoile, se livre, s'exprime. Plus il s'exprime, plus toutes ces idées qu'il a gardées longtemps au fond de lui sous forme d'embryon surgissent. Rejaillissent.

Cyril de son côté, n'en peut plus. Il ne pense qu'à Marco. Qu'à lui. Qu'à ce mec. Ça devient une fixation. Puis une obsession. Cyril en est conscient. Ça fait mal. De plus en plus, il a l'impression de vivre à travers lui, à travers Marco. Ça l'inquiète. Il se dit qu'il va falloir passer à l'action. Faire quelque chose. Tenter quelque chose. Je veux en avoir le cœur net.

" Je vais lui parler ... Je vais me confier à lui. Pourquoi pas. Même si je commence à devenir amoureux ... Il m'apporte tant. Je me sens de plus en plus en communion totale avec lui. En osmose.

Chaque rendez-vous avec Marco déclenche un nouveau sujet, quelque chose que lui et Marco approfondissent ensemble ... Les yeux se perdent ... S'égarent ... Ils ne savent plus où se poser ... Trouble ... Les regards s'échappent ... Dévient ...

De leur amitié, pas encore de l'amour, commence, mais très lentement, à naître une admiration, une fascination réciproque. Un intérêt réciproque pour l'un et pour l'autre.

Mis en confiance, Cyril se livre de plus en plus à Marco...

Question mec, Cyril a déjà vécu une expérience avec un gars avant Marco. Ils étaient trop jeunes. Le gars allait sur ses seize ans, Cyril sur ses dix-sept.

Expérience désastreuse où les deux garçons avaient trop de problèmes à régler d'abord avec eux-mêmes.

Au point de pas pouvoir, de vouloir les faire partager, en parler à un autre qu'à eux-mêmes. Durant cette période, l'autre garçon n'était pas complètement sorti de l'enfance. Manifestement, ce dernier avait plus besoin de sa mère que de Cyril.

Cyril en tire une expérience qui l'a profondément meurtri. Pour lui, sans vraiment le deviner, mais il en était conscient, c'était la première fois qu'il tombait amoureux d'un garçon. Sentiment nouveau pour lui. Pour la première fois de sa vie, il tombe amoureux d'un garçon, et pas d'une fille. Et puis, c'est la première fois qu'il tombe amoureux. Il pensait que c'était un acquit pour la vie !!! Que c'était le passeport pour l'avenir ...

Cyril n'a pas envie de revivre une aventure de ce type avec Marco. Il se sent prêt à envisager une relation sur la durée. Avec Marco, il se sent en confiance. Tellement en confiance. Mieux il a commencé de s'épanouir. Avec lui. Au point de devenir, ça l'inquiète, d'être entiché de lui. D'être malade de lui. Malade de l'autre. Il lui raconte tout. Tout ce qui lui passe par la tête. Sans garde-fou. Tel qu'en lui-même. A prendre ou à laisser. Il ne veut pas contrôler le flux de ses pensées, le débit de ses paroles. Il ne veut plus de ça. Plus jamais. Etre soi-même, naturel avec l'autre. Avec celui qu'on aime !

Il s'en fout ! C'est l'idée première qui lui vient à l'esprit. Avec un garçon comme Marco, c'est avec celui-là, et celui-là, seul, qu'il peut, qu'il le peut, qu'il doit se livrer intégralement. Tel qu'il est. Tel qu'en lui-même. Sans complexe. Sans à priori. Sans pudeur ... C'est sa façon à lui d'être reconnaissant à Marco. Il se donne tel qu'il est. C'est sa façon de dire à Marco je suis à toi. Complètement, tel que je suis vraiment. C'est à toi de m'accepter tel que je suis. Ou pas du tout. Je te fais l'honneur de m'offrir à toi tel que je suis vraiment.

Peut-être est-ce ça, l'amour, finalement. Cette pensée fait peur à Cyril. Cette seule pensée l'effraie. Elle l'entraîne dans des méandres inconscients qui l'effraient. Qui l'angoissent. Mais Cyril chasse cette idée, ces idées noires de son esprit. Avec violence. Il veut trop vivre quelque chose de fort, de très fort avec Marco. Il pressent que c'est lui. Lui qu'il cherche depuis toujours. Lui qu'il cherche depuis longtemps. Depuis le plus profond de son adolescence.

D'autant qu'il se souvienne. Il a trop peur de ce que cela représente pour lui, aujourd'hui : se donner tout entier à l'autre. Comment faire ? Est-ce possible ? Ça existe ça ? C'est pas dangereux ? C'est pas de l'aliénation ?? ... Se donner à l'autre ? ...

Ses pensées, mais aussi son corps. Il en a envie. Il veut ça. Pas pour l'attacher à lui, le soumettre. Il est pas comme ça. L'asservissement par le corps. Non. Cyril ne veut pas ça avec Marco. Il veut lui donner ce qu'il peut. Ce qu'il a, ce qu'il possède en lui. Son âme. Son cœur. Il veut le rendre heureux. Il sait que Marco n'a jamais connu ça avec un mec. Une histoire avec un garçon. Il est son premier mec. Et veut le rester. Il veut l'avoir pour lui. En lui. Le sentir en lui. Cyril sent l'excitation monter quand il y pense. Le désir ... Comment faire ? Comment oser ? Comment l'approcher sur ce terrain ??

Partager son intégrité physique, la totalité de son être physique avec un autre, ça l'inquiète. À partir de quand peut-on se donner à l'autre, s'offrir à lui quand ce que l'on ressent, c'est de l'amour ? Quand c'est pas que du sexe ?

Il y a qu'à ce mec, Marco, qu'il ne connaît pas encore entièrement, à qui il peut tout dire. Vouloir dire tout. Se raconter. Tout ce qu'il porte en lui, aujourd'hui, pour lui ... A lui dire, à lui donner ... L'amour en somme. De l'amour. Rien que de l'amour.

Même si c'est peut-être trop tôt. Ça peut être un risque. Il y a toujours un risque.

Marco est à l'écoute. Il écoute. Il sait écouter. Ça impressionne Cyril. Les mecs, les gens qui écoutent, qui savent écouter, Cyril savait pas que ça existait. Ça existe ça ? ... Il n'y avait jamais pensé. C'est ça que Cyril découvre. C'est ce qu'il vénère le plus chez Marco : son sens de l'écoute. Son écoute. Il le comprend. Cyril peut parler une heure, parfois deux, Marco ne l'interrompt pas. Il ne l'interrompt jamais. Ça, c'est nouveau pour Cyril.

De tout l'être de Marco, se dégage une sensation de chaleur permanente, d'ondes positives, de vibrations positives,

" Des vibrations ultra positives ...

Quand Marco part et que Cyril reste seul dans sa chambre, il réalise à quel point Marco lui manque. Le manque. Déjà. Pour repousser l'angoisse, l'appréhension de ce qu'il peut se passer quand Marco n'est pas là, quand il n'est pas à côté de lui, pour tromper ça, Cyril connaît le truc : s'activer un maximum pour ne pas penser. Et ça marche. Ça finit toujours par chasser les mauvaises pensées.

Même longtemps après qu'il soit parti, Cyril conserve une image forte de Marco. Son odeur. Son visage. Rayon de lumière. L'image du visage attentionné, lumineux, gracieux, souriant, énigmatique, aimant ??

Au début de leur relation, de leur histoire, se rappelle Cyril, il se demandait : peut-être que ce que je dis est intéressant ? ... Est-ce que ce que je pense, est-ce que ce que je dis peut intéresser quelqu'un ? Et dans le doute, seul, livré à lui-même, Cyril retombe dans le doute, le questionnement, l'inquiétude, la tristesse. L'appréhension d'être trop décalé par rapport aux autres. Toujours ça finit par revenir. Toujours cette perpétuelle remise en cause de soi.

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