Saïgon

En 1975 que s'est-il passé durant les 24 dernières heures ? 

- Les civils Sud-Vietnamiens ont essayé de passer au-dessus du mur de l'ambassade américaine.

- Ils voulaient quoi ? 

- Atteindre les hélicoptères qui leur permettraient d'être évacués.

- Pour aller où ? 

- À l'étranger !

Dans quelques heures tout sera fini. La guerre du Vietnam sera terminée.

...

Près de la route de Thai Ninh un hélicoptère décolle avec lourdeur. Une roquette le prend de plein fouet. L'appareil explose dans un tonnerre de flammes.

Sur le pont de la rivière on se bat avec détermination.

Le lendemain au même endroit une foule immense s'extrait des marécages. Elle grouille comme une fourmilière. Elle est affamée. Misérable. Avide.

Des femmes et des enfants couverts de boue sortent des fourrés. Ils sont chargés de butin. Un million de femmes et d'enfants surgissent et semblent tout droit sortis du néant.

Peu d'hommes. Il n'y en a plus.

À New Port les Américains sont pillés sans vergogne. La foule piétine tout sur son passage. Y compris les cadavres. Ceux des commandos du Nord Vietnam tués la veille et laissés là.

Pour avancer il faut traverser la rivière et plonger dans la vase.

Un enfant de six ans couvert de boue tient serré contre sa poitrine un carton sale qui contient des éponges pour la vaisselle.

Son visage est hilare.

Deux adolescents sont là. Ils sont plus avisés. Dans un amalgame de détritus ils parviennent à dénicher des champignons en conserve. Sur ses épaules l'un d'eux porte une caisse de ketchup.

Sur le bord de la route le marché s'organise. On vend. On achète. On échange. On fait du troc.

C'est la famine.

Soudain des camions militaires venus de nulle part foncent dans la foule. Pour ouvrir la voie les militaires à l'intérieur du camion tirent en l'air.

C'est la fin. Ce n'est pas la panique. Mais la fuite se prépare.

Retour à l'ambassade américaine.

Du toit de l'ambassade les hélicoptères décollent. Ils effectuent d'incessantes rotations au-dessus du bâtiment.

Impossible d'obtenir la moindre information. Les militaires ne disent rien. Ils ne fournissent aucune explication.

Il n'y a plus personne. À l'état major des colonels errent dans les allées désertes. Aucun général ne répond au téléphone que ce soit à son bureau ou à son domicile.

La plupart sont partis dès l'aube. Ils sont déjà en route pour l'étranger.

Dans quelques heures tout sera fini. Chacun attend son tour pour l'embarquement.

De-ci de-là on aperçoit une silhouette vietnamienne.

L'embarquement dure vingt minutes. Parmi les voyageurs se glisse une personnalité. C'est le représentant des Nations Unis pour le Sud Vietnam.

Nul ne sait où il va. Il semble étonné de se retrouver ici.

Pour les vietnamiens la fuite organisée s'adresse à un petit nombre de privilégiés. Les diplomates américains viennent les chercher à leur domicile pour les amener à l'hélicoptère.

Ils sont deux cents à se retrouver sur un petit cargo qui lève l'ancre à New Port.

S'ils ne sont pas interceptés par les troupes du Nord Vietnam ils seront bientôt en sécurité à l'étranger.

Ceux qui restent seront pris au piège et fusillés.

La police a disparu. La police militaire assure l'ordre.

Des yeux les policiers militaires suivent les Jeeps de leurs chefs qui fuient à toute allure avec leurs bagages.

Le pillage commence.

Plusieurs groupes se rassemblent devant les ambassades. Ils sont de plus en plus nombreux. Ils ne cherchent plus à être évacués. Ils savent qu'il n'y a plus de place. Ce qu'ils veulent c'est un abri.

Leur vie en dépend.

Toutes les ambassades de Saïgon sont fermées. Seuls restent ouvertes celles de France et de Belgique.

Le transfert des pouvoirs s'opère aujourd'hui.

Minh accepte la mission de gouverner même si elle est désespérée.