Encore temps

Kang apparaît. Il vient me chercher dans l'entrée. Mû par un réflexe je me lève. Je sais que c'est lui.

Il s'avance d'un pas déterminé. C'est étrange. Il s'avance en tendant la main. Comme s'il me recevait pour un entretien.

- Salut ! Moi c'est Kang.

Je ne trouve rien de mieux que de regarder sa main. Je la serre. Tout en gardant sa main dans la mienne je le regarde dans les yeux. Je l'interroge du regard.

Aucune lueur. De la correction. C'est tout.

- Je t'emmène ?

Le message est direct. Je n'ai rien d'autre à attendre. Rien d'autre à faire que de prendre mon sac à dos et de suivre Kang. Je le suis avec docilité. Comme un chien bien éduqué.

Après tout je suis venu pour ça.

Qu'espérer de plus ?

Je suis à la disposition de Kang. Son objet. J'ai l'impression de me retrouver à l'époque antique où le maître pouvait disposer comme il le voulait de son esclave.

- Attend-moi là.

Je pense :

" Oui Maître."

Je joue le jeu à fond. Je veux récolter un maximum de fric.

Kang passe la tête par l'ouverture de la salle pour saluer l'assemblée.

Il prend congé de ses potes de billard.

Dans la salle j'entends un appel. Une voix féminine.

- Kang ! Tu ne restes pas un peu ?

Kang ne répond pas. Ou ne daigne pas le faire. Il n'a aucun compte à rendre. D'ordres à ne recevoir de personne.

Il revient vers moi. Il me regarde. Il saisit mon sac à dos. Il semble pressé.

Il m'emmène. Montée d'adrénaline.

Nous sortons du billard. Dehors il fait froid. Les premiers flocons de l'hiver apparaissent. Pour me donner contenance je ferme mon blouson. Il est déjà fermé.

Nous faisons le trajet à pied. Celui-ci nous amène de la salle de billard jusqu'à l'hôtel.

Nous nous y rendons. Hôtel de luxe. Un des plus beaux du centre de Pékin. Un des plus modernes. Il fait partie des derniers qui aient été construits pour appâter les touristes occidentaux. Pour leur donner une image idyllique de la Chine. Plus démocratique.

Kang ne dit rien. Il marche. Pas un mot. Je le suis.

Je pense :

J'ai toujours la possibilité de partir. Il est encore temps.