Colocs

J'ai le temps d'observer quelques-uns de mes congénères. De mes futurs colocataires. Certains deviendront des amis. D'autres non. La majorité sera indifférente. C'est souvent le cas. Chacun pour soi. On peut pas être ami avec tout le monde. On verra. Je ne me fais aucune illusion. Dans la vie il faut se battre. La vie c'est fait pour ça. Je suis prêt. C'est pour ça que je suis là. Que je suis arrive ici. Dans ce foyer. Je suis combatif. Il y a aussi pas mal de voyous. Ça ne me fait pas peur. Je surprends quelques regards équivoques. Des sous entendus. Il doit s'en passer de belles ici. Je suis sûr d'une chose : je ne vais pas m'ennuyer.

J'ai l'impression qu'ici je vais connaître tous les types d'individus que peut produire la société.

D'une petite ville en province je passe à la grande banlieue parisienne. Foyer de jeunes travailleurs. Que des mecs. Dommage. J'aime bien les filles. Parler avec elles. Et je suis plus à l'aise avec les filles qu'avec les garçons. Ça va me manquer. Tant pis !
Je rencontre deux garçons dans le couloir. Ils feignent de ne pas me voir. De m'ignorer. C'est dingue de voir à quel point l'accoutrement peut changer les personnalités. Influer sur les mentalités.
Les gens vivent avec des idées dans la tête. Préconçues. Ils ne cherchent pas à savoir ce qui se cache derrière un costume. Un accoutrement. Une façon de s'habiller. Voir s'il n’y a pas autre chose. Ils ont été élevés comme ça. Je peux pas leur en vouloir.
Chacun se carapate dans sa solitude. Et son indifférence.

Après tout, je suis un peu comme ça moi aussi. On a tous tendance à juger un peu trop vite! A émettre un avis sur tout ! Même inconscient.

L'apparence. C'est suffisant pour qu'on ne te regarde pas. Qu'on ne te regarde plus jamais. Grille pour toujours auprès des autres.

Ces mecs ont décidé que je ne ferai pas partie de leur univers. De leur groupe.

Condamné d'avance. Sans appel. Les cheveux longs sans doute. Ça ne plaît pas toujours. J'en sais rien. Peu importe. Je les couperai pas pour autant.

Pour leur faire changer d'avis à ceux-là je peux toujours m accrocher. Mission impossible. Et puis je suis hors jeu. Hors limites. Hors la loi.
J'ai compris.

Ici il y a plusieurs clans. Toute la typologie du mec est représentée.

Chacun se protège comme il peut. Tu appartiens à un groupe, tu te sens en sécurité. Ça te permet de protéger tes valeurs. Tu penses que ce sont les bonnes puisque tout le groupe a les mêmes. Ça conforte.
C'est quoi tes valeurs ?
Ça commence à me faire flipper. Il va falloir se battre. Se défendre. S'expliquer. Je vais avoir du pain sur la planche.

J'arrive à ma chambre. Trop cool. Sympa. Vraiment. Un rayon de soleil entre de plain pied dans la pièce. C'est le bonheur total. Pour moi. Ça me suffit. Même si la chambre est un couloir.

Je suis content ! Heureux ! Je me mets sous le rayon de soleil. Je me laisse irradier par sa chaleur bénéfique. Je la sens sur tout mon corps. J'ai compris. Je vais me plaire ici. J'ai pas besoin de grand chose.

La chambre est petite. Suffisant pour moi. De toute façon je n'aime pas ce qui est grand. J'ai jamais supporte. Je n’aime pas les grands espaces. Agoraphobe ?

Oui !

Ma mère aimait les grands appartements. Je ne supportais pas. De même je ne supporte pas que tout soit range. Classe. Catalogue. Immobilise. Les choses sont elles figées pour la vie ?
Comme si les objets devaient rester immobilises leur vie durant sans jamais pouvoir changer de place. C'est aberrant.

La perfection, le rangement, tout ça me fait chier. Ça me fait peur. Vive la vie ... Vive le mouvement ! J'ai toujours besoin de me sentir en partance. Prêt sur le départ. Sur le qui vive. Prêt à partir pour une destination inconnue.

Même si je ne le ferai jamais.

Je suis en sursis avec ma vie. Celle de tous les jours. Ou tout peut arriver. Ou rien. J'aime être entre 2 ponts. 2 routes. 2 chemins. 2 montagnes. 2 vallées.
J'aime en être conscient chaque jour.