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Lan Yu
5 janvier 2023

Etudiant

Moi Kang je n'hésite plus. Je n'ai rien à redouter. Je ne doute pas. Je ne me remets jamais en question. C'est une faiblesse.

Ceux qui le font ce sont des lâches ou des faibles.

J'ai baisé l'étudiant toute la nuit. Sans lui demander son reste. Il n'a pas réagi.

J'ai pris mon pied. C'est normal. C'est la règle de la vie. Il était payé pour ça. Ce matin il a récupéré son fric. Il savait ce qu'il faisait.

Il est bizarre ce jeune. Il a joué les timides. Les vierges effarouchées. Il hésitait avant de ramasser l'argent. Comme s'il n'osait pas. Comme s'il avait peur de se brûler. Pourtant je l'ai baisé sans scrupules. Il n'avait pas à hésiter.

Avec le boulot je n'aurais pas pu bénéficier d'une opportunité pareil. Ça ne se présente pas tous les jours.

Je n'ai pas le temps. Pourtant j'en ai envie tous les jours. J'en ai besoin comme tout le monde. C'est humain. C'est un besoin primaire et organique.

On a tous besoin de ça.

La boîte prend tout mon temps. Elle ne me laisse aucun répit. Le gars. J'en reviens toujours à lui. À croire qu’il ne m'a pas laissé indifférent.

Je lui demande de prendre une douche avant de baiser. Il pue. C'est pour l'hygiène. 

Il n'y a rien à faire. Ils en ont rien à foutre. Pour eux nous sommes des clients. Rien d'autre.

Ils ont hâte d'en finir et de s'éclipser. C'est normal.

Il n'a pas compris. Je répète.

- Tu vas te laver s'il te plaît ???

Le garçon se lève plus ou moins de bonne grâce et avec un soupçon de fatalisme.

Ça vaut mieux sinon il ne sera pas payé.

- Oui monsieur.

Il me répond comme s'il travaillait dans un bureau.

Je profite de l'étudiant. Je me repais de son jeune corps. Je suis un prédateur. Son maître. Le temps d'une soirée il se loue à moi.

- Prépare-toi vite mec.

Je vais te baiser toute la nuit. C'est ce que tu attends. Non ? Ça fait deux mois que je me retiens. Je sais que c'est pas ton truc. Tout ce qu'on te demande c'est de faire comme si. Comme une femme. De te comporter comme une fille.

Si tu fais un effort je te donnerai peut-être un peu plus. C'est toi qui décides.

Je baise l'étudiant toute la nuit. Il s'est laissé faire. Il n'a pas pipé. Pas un soupir. Pas un gémissement.

Ça n'a pas dû lui plaire. Je ne sais pas. Je ne le saurai jamais.

Le garçon a subi. À peine lorsque je l'ai pris de force a-t-il émis un cri de douleur. 

Il n'a pas pu y prendre plaisir. Je n'ai pas à le lui demander. Il se tirera après. Petite pute.

Je vais à la douche. Je me prélasse sous le jet. Je ne vois pas le temps passer. Je réfléchis. Plein de choses me viennent dans la tête. Elles se précipitent. C'est un goulot d'étranglement. Le chaos.

Absurdité de la vie.

L'économie. La liberté d'expression. Le régime. La prostitution. Les laissés pour compte qui viennent des campagnes. Ils se comptent par millions. Comment a-t-on pu en arriver là ? Qu'est-ce qui fait que des étudiants sur-diplômés soient obligés de se prostituer pour subvenir à leurs besoins ? En attendant de trouver un vrai job ? S'ils en trouvent.

Ils convergent vers la ville. Les filles rompent avec leurs familles. En espérant une amélioration de leur situation. Elles doivent faire vivre ces dernières. Devoir filial. C'est pour ça qu'elles viennent se prostituer en ville. Auprès des plus riches. Ceux qui ont profité du boom économique pour s'enrichir.

Comme moi Kang.

La pauvreté et la misère sévissent dans les campagnes. Pas de retraite pour la majorité d'entre eux.  Jusqu'au bout les enfants s'occupent de leurs parents.

Les riches s'en sortent. Corruption. Ils ont su profiter des failles du régime. L'exemple vient d'en haut.

Les meilleures places sont prises par ceux qui nous gouvernent et leurs familles.

La Chine se construit à la vitesse de la lumière.

Les travailleurs affluent vers les mégapoles. En particulier à Pékin où les chantiers poussent comme des champignons.

Le flot de la main-d’œuvre est constant. Des ouvriers.

Il y a quelques années les dirigeants ont lancé le slogan. Celui que tout le monde attendait. Il passe à la radio. C'est arrivé après la mort du grand Timonier. Je l'entends encore résonner dans mes oreilles.

" Enrichissez-vous ! "

C'est le nouveau sésame. Ça a été un raz de marée. Ils disaient qu'il fallait reprendre possession des moyens de production. Les reconquérir. Développer l'initiative privée. La Chine ne pouvait pas perdre la face vis-à-vis de l'Amérique et des puissances occidentales. Il fallait doubler le grand frère. L'URSS. Devenir indépendant. Se sortir des griffes de l'Ours devenu envahissant. Il a montré l'exemple. Fourni les outils. Nous n'avons plus besoin de lui.

Aujourd'hui il faut s'extraire des années Mao. Mais les dirigeants gardent la main haute. Sur tout ce qui bouge.

Ça me fait sourire.

C'est la course éperdue à l'enrichissement personnel. Toute pudeur et toute retenue ont disparu.

Tous les coups sont permis.

Nous devenons pire que les Occidentaux.

Nous copions sans vergogne les marchés à l'étranger. C'est le règne sans partage de la contrefaçon.

Moi le premier. Mais ça personne ne le sait. Sauf Cheng mon comptable. Cheng se voile la face. Nous continuons puisque ça marche.

Mais tous n'ont pas eu cette chance.

Mon esprit divague. Ça doit faire une heure que je me trouve sous la douche.

L'étudiant. Je l'avais oublié celui-là. Qu'est-ce-qu'il fout ? Il est parti ? Il a dû embarquer mes affaires. Récupérer les quelques yuans qu'il me restait. Il reviendra. C'est sûr.

Je n'aime pas avoir des pensées comme ça. Même les pensées peuvent corrompre. Je refuse de trouver les mauvaises raisons pour me donner bonne conscience.

Je ne supporte pas l'autorité. D'où qu'elle vienne. J'ai toujours été comme ça. J'en ai pris conscience quand j'ai vu Maman se faire traîner par les Gardes jusqu'à l'esplanade. Ce jour-là je me suis juré que ce serait jamais les autres qui domineraient ma vie.

Je ne supporte pas la domination. Qu'elle provienne de l'extérieur ou de mon propre cerveau. J'aime dominer les autres. Que ce soit dans la vie ou sur le plan sexuel.

Je ne l'entends plus.

?

Je sors de la douche.

Je regarde les objets qui décorent la chambre. Mon regard est mauvais. Sur la table de nuit se trouvent les capotes et les cigarettes. Dans le cendrier brûle un filtre. Ça pue. La télé est en marche mais mise en sourdine.

J'aperçois le corps nu de l'étudiant. Affalé sur le lit. Il est allongé sur le ventre. Il est toujours là. Il n'est pas parti. Son attitude est indécente.

Il est là.

La couverture jonche le sol. Elle traîne sur la moquette poussiéreuse. Le jeune n'a pas songé à la récupérer pour cacher sa nudité.

J'éprouve un pincement de cœur.

Je réalise que j'ai une dizaine d'années de plus que lui. Le temps passe. Je n'ai rien vu venir.

Sur le lit les draps sont blancs. Ils paraissent immaculés.

Vision poétique dans un univers de baise.

Un rai de lumière éclaire son corps. Il se retourne. Se met sur le dos. Je me cache derrière la porte pour mieux l'observer. Je le mâte sans pudeur. Cela aussi fait partie de mon dû. Les poils de son pubis brillent sous les rayons de soleil. Ils sont soyeux. Ce corps qui s'offre à mes yeux m'excite. Ces aisselles et ces jambes. Ce gars possède un corps parfait.

Il doit être onze heures et demie. Les femmes de service ne vont pas tarder à débarquer.

Le soleil déverse ses rayons à pleins flots sur ce corps.

Il ne bouge pas. Quand va-t-il se réveiller ?

Il se réveille.

Il émerge d'un profond sommeil. Peu à peu il prend conscience de sa nudité insolente.

Je suis là. Je l'observe. Il ne sait pas que je suis là. Ni où je suis. Il se met en travers sur le lit. Il est plus désirable que jamais.

Ce chien n'a aucune pudeur.

Il m'a vu. Je me montre. On dirait qu'il me voit pour la première fois. Ça m'énerve. Je me sens insulté.

Sous le soleil de plus en plus fort son corps irradie.

Cette idée me dérange. Je ne peux l'accepter. Une petite pute comme lui ne peut posséder un corps aussi lumineux. Il y a quelque chose qui cloche.

Je ne peux m'empêcher de retrouver mon regard de prédateur.

Ce corps s'offre à moi une nouvelle fois. Je le désire de toutes mes forces. Je ne peux plus m'en passer.

Pourquoi ne pas le prendre à nouveau. Comme un chien ? J'adore cette position.

Je culpabilise.

Il est innocent. Vulnérable. C'est un enfant. Pas encore corrompu et pourri par le système. Cette fragilité augmente mon excitation.

Il veut s'offrir à moi. Il me cherche. Je veux le prendre jusqu'à la nausée. Jusqu'à l'effondrement.

Je regarde mon bas ventre. Ça revient. Maudite queue. Ça ne cessera donc jamais. Jamais rassasié. Elle en redemande encore et toujours.

Il n'est pas comme les autres.

Je dois lui parler. C'est nécessaire et vital. Ça paraît indispensable. Peut-être est-il autre chose qu'une machine à baise. Peut-être a-t-il quelque chose à dire.

C'est peut-être un être humain.

Il faut qu'il se réveille. Il faut en rester là. Qu'il parte. J'ai à faire aujourd'hui. J'ai des rendez-vous toute la journée.

Je dois voir Cheng. Je dois lui parler de ce projet avec les Russes. En plus on aurait le blanc seing des Autorités. Peut-être même une aide. Voire une subvention.

Je suis en retard. Je bipe Cheng. Tout ça n'était pas prévu. Je reste encore avec le gars. Il y a quelque chose de bizarre qui me retient auprès de lui.

- Tu comptes rester là longtemps ? C'est quoi ton nom ?

- Je m'appelle Li.

Le ton avec lequel il décline son nom me désarçonne.

- Li. Je ne m'attendais pas à te voir encore ici ... J'ai mis ton fric sur la table de nuit. C'est juste à côté de toi. C'est pas assez ? C'est pas ce qui était convenu ? Ça te suffit pas ? Qu'est-ce que t'attends pour déguerpir ?

- Je sais pas où aller.

- C'est ton problème. C'est pas le mien. Il faut libérer la chambre. Tu veux prendre une douche ?

- Je veux bien.

Li se lève d'un bond.

On dirait qu'il attend autre chose.

Li n'est pas pressé de partir. Qu'est-ce qu'il veut encore ? Il ne va pas me coller comme ça ? Je ne le connais pas. J'ai pas envie de ça. Ça ne m'intéresse pas. Je n'ai pas le temps. J'aime changer de partenaire. Pas toujours le même.

Je le mérite avec tout ce que je fais pour les autres.

Je finirai bien par tomber sur le meilleur plan cul de Pékin.

L'amour entre hommes ça n'existe pas. La baise oui.

Li sort de la douche. Il est sans complexe. Il vient s'essuyer devant moi. Dans le plus simple appareil. Les gouttes d'eau ruissellent sur son corps. Ça me fout la trique.

Il n'y a rien à jeter.

Je découvre son corps. Je n'avais pas fait attention jusqu'à présent. Je ne pensais qu'à le foutre. Rien de plus. C'est tout ce qui comptait. On a beau dire mais quand on est bouffé par le désir on ne voit rien du tout. On reste aveugle.

On en oublie l'essentiel. La vie.

C'est plus fort que moi. Je ne peux m'empêcher de détailler ses muscles taillés à la serpe. Son corps ressemble à de l'ivoire. Il ne doit pas aller souvent au soleil.

Misère. Pauvreté.

C'est ma serviette qu'il utilise. Pourquoi n'en prend-il pas une propre ?

Il se complaît dans la nudité. On dirait qu'il joue avec ça. Avec ses avantages. Il me provoque. Il le sait.

Je me laisse glisser au pied du lit. Je baisse la télé. La speakerine déverse son flot de paroles inutiles.

Le texte défile au bas de l'écran. L'info est en continu.

Ça ne s'arrête jamais.

Il vient s'accroupir à côté de moi. Il se serre contre moi. Il a envie de parler. Ça tombe bien. Parce-que moi j'ai envie de parler. De me confier. De m'épancher auprès d'un étranger. D'un garçon que je ne reverrai jamais. Après tout il n'a pas envie de partir et moi non plus.

Je saisis le paquet de clopes situé sur la table de nuit.

- T'en veux une ?

- Je veux bien.

Il se sert. Il est content de pouvoir rester ici encore quelques minutes. Soudain il semble heureux. Un sourire illumine son visage.

C'est toujours comme ça. Ils sont tous pareils. Ils ont besoin de parler après avoir baisé. Ou alors c'est pour gagner du temps. Pour retarder le moment de se retrouver à la rue.

Je surprends le regard de Li. Je sais ce qu'il pense. Il s'imagine qu'il existe une autre personne derrière ce qu'il voit. Derrière le portrait que je lui dresse de moi. Un être humain avec ses fragilités.

Il se dit qu'il y a sûrement autre chose derrière tout ça. Quelque chose de bien.

Chacun fume sa clope. Assis l'un à côté de l'autre. On ne se regarde pas. On n'ose pas.

Silence. Moi je suis dans mes pensées. Lui se trouve dans les siennes. Ça ressemble à une attente.

A la nécessité de l'autre.

Les minutes s'égrennent. Elles paraissent durer une éternité.

Moi je pense au boulot. Lui je l'ignore.

Il faudrait pas qu'on démarre une histoire. Quelque chose de puissant.

Ces instants n'ont que trop duré. Ça suffit.

J'écrase ma clope dans le cendrier. Je me sens nerveux.

Je sens la naissance de quelque choseJe refuse de mettre un nom dessus.

- Li. Puisque tu t'appelles comme ça. Il faut que tu partes. Je dois rendre la chambre.

- Déjà ?

- Je te l'ai dit.

Je me lève pour m'habiller.

Li reste nu.

Je me demande si c'est pas cet air d'enfant grandi trop vite qui m'excite le plus.

- On se reverra ?

Je fais non de la tête.

Il baisse la tête. Il semble anéanti.

Il se lève et s'habille en silence. Comme un enfant que l'on vient de sermonner. Il me regarde sans mot dire.

Il ne me juge pas ni ne me méprise. Il ne me haït pas. Je le vois.

Je l'ai baisé comme une bête. Il semble avoir déjà oublié. Mon propre plaisir était le maître de tout. J'aime dominer mes semblables. Surtout au lit.

Je l'ai payé. C'est tout ce qui compte.

Je pars. Je jette un coup d'œil dans le miroir de l'entrée pour ajuster ma cravate. J'aperçois son regard. Il me regarde avec intensité.

J'ai le teint frais aujourd’hui. Je suis en forme.

Un dernier coup d'œil. Je fais attention à ne pas croiser son regard.

- Salut ! Tu tireras la porte derrière toi.

Pas de réponse. Cette fois je sors et je referme la porte derrière moi.

Sur le palier je vérifie. J'ai tout pris. Je n'ai rien oublié.

J'ai bien tous mes papiers. La monnaie aussi. C'est bien ce que je pensais. Il ne m'a pas volé. Je m'en doutais un peu.

Je sentais bien qu'il n'allait pas me faire les poches. J'en ai eu l'intuition dès le début.

Pensées négatives. Dévalorisantes. Vulgaires. C'est pas moi ça.

Je descends les escaliers en trombe. Comme si je fuyais quelque chose. Quoi ?

Je règle la note. J'appelle un taxi au bas de l'hôtel. Il démarre en trombe.

Durant tout le trajet je ne peux m'empêcher de penser à la chambre d'hôtel. A ce qui s'y est passé. A ce garçon qui est resté plus qu'un autre. Cette passe elle n'était pas comme les autres. Je ressens une sensation étrange. Comme si j'avais été spectateur de moi-même. Un étranger à moi-même.

J'arrive au bureau. J'ai déjà oublié Li. Il n'a même pas existé. Les fournisseurs sont déjà là. Ils viennent d'arriver. Ils attendent. Ils sont trois. Cheng n'est pas arrivé.

Qu'est-ce qu'il fout ?

Na la secrétaire arrive.

- Ah ! Vous voilà !

- ...

Dans ma tête Li n'est plus qu'un lointain souvenir. Cette petite pute aura tôt fait de m'oublier. Et moi-aussi.

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