Errance

J'ai envie de marcher. Seul. Pas de baise ce soir. Tant pis. Je sais pas pourquoi mais j'ai envie d'autre chose. De quoi j'en sais rien. Je sens que je vais errer dans Berlin désert jusqu'au petit matin. Dans le froid.

Je vois les heures qui s'allongent. Interminables. Je presse le pas histoire de ne pas penser. Au fond de moi je sais que ça ne sert à rien. Je suis dans mes pensées. Je n'arrive pas à en sortir. A émerger. A dépasser. Cette histoire d'amour. Une fois pour toutes.

Les premières lueurs de l'aube apparaissent.

Je ressens la fatigue. J'en ai marre. Je veux rentrer.

Au moment de traverser le boulevard, je l'aperçois. Il patiente. Il attend son tour avant de traverser. Apparence gothique. Jamais vu. Ne connais pas. Pourquoi pas.

Je sais qu'il m'a vu.

Il s'obstine à garder les yeux baissés. Il a du m'apercevoir lui aussi.

Je l'observe de loin. Ce côté mystérieux. Enigmatique. Ca me plaît. Ça m'excite. Ce n’est pas sexuel. Pas encore. Mais j'ai envie de le connaître. Peut-être lui parler. On verra.

Il lève les yeux vers moi. Enfin. Il s'intéresse. On dirait. Il me fixe du regard. Franc et direct. Le courant passe. Enfin. Le feu passe à l'orange puis au rouge. L'espace d'une seconde mon attention se relâche. Je traverse. Il attend encore avant de se décider à son tour.

Il passe tout près de moi. Il fait semblant de pas me regarder. Je le sais. Je ne comprends pas. Qu'est-c'qu’il lui arrive ? Il le fait exprès ou quoi ? Il me fait chier.

Il me frôle. Sa main touche la mienne.

Mon cœur bat la chamade. Je l'entends cogner dans ma poitrine. Elle va exploser.

J'attends encore. Je fais quelques pas. Histoire de. Genre. Je me retourne. Je prends mon temps avant de le regarder. On sait jamais. On a vite fait de faire de mauvaises rencontres. Même en centre-ville. Avec ce retour d'homophobie il faut faire attention … Vraiment faire gaffe.

Il se retourne.

Je le dévisage.

C'est un signe. Le signe que j'attendais.

Il est beau. Je réalise. Son regard m'interroge. Ses yeux me fixent avec insistance. C'est ça avec les homos. C'est le signe de reconnaissance. Le regard. Peut-être le démarrage d'une histoire.

D'une vie.

Il est comme moi ?

Pas de doute, il l'est.

Il continue son chemin. Il se retourne une deuxième fois. La confusion m'envahit. Elle me dévore. Elle me bouffe.

Je continue à marcher.

Je vais plus vite. Je panique.

Je vais droit devant moi. J'ai peur de m'arrêter. Mes pas m'emportent malgré moi.

J'ai la pétoche.

J'ai peur. De m'engager.